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CJUE, 29 juillet 2019, Pelham GmbH et a. contre Ralf Hütter et Florian Schneider-Esleben (C-476/17)

La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est prononcée le 29 juillet 2019 en matière de sampling lors d’un litige opposant le groupe de musique électronique allemand Kraftwerk à la société Pelham. Le groupe reprochait à la société d’avoir eu recours à la technique du sampling pour copier deux secondes d’une séquence rythmique prélevée sur un de leurs phonogrammes afin de l’intégrer, par répétitions successives, au titre Nur Mir.

Pour rappel, le sampling est une technique consistant à prélever, à l’aide d’équipements électroniques, des extraits (samples ou échantillons) d’un phonogramme afin de les utiliser comme éléments d’une nouvelle composition dans un autre phonogramme

Les membres du groupe estimaient qu’il avait été porté atteinte au droit voisin dont ils sont titulaires en leur qualité de producteurs du phonogramme. Débute alors une longue procédure judiciaire déférée devant la Cour de Justice.

La Cour a reconnu que le sampling peut constituer une atteinte aux droits du producteur d’un phonogramme lorsqu’il est réalisé sans son autorisation. Mais à quelles conditions ?

La Cour rappelle que par principe, le droit de l’Union, (article 2, sous c) de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information) assure que la reprise par un utilisateur d’un échantillon sonore, même très bref, prélevé d’un phonogramme, sans autorisation du titulaire des droits, constitue une reproduction partielle de ce phonogramme.

Mais elle précise qu’il est nécessaire de trouver un équilibre entre d’un côté, l’intérêt des titulaires de droits voisins à la protection de leur droit de propriété intellectuelle et d’un autre côté, la liberté d’expression prise dans sa composante liberté de création, garantie par l’article 13 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Tant et si bien que si un utilisateur, dans l’exercice de sa liberté des arts, prélève un échantillon sonore d’un phonogramme afin de l’utiliser sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute au sein d’une œuvre nouvelle, la reproduction ne sera pas caractérisée au sens de la directive.

Cette approche trouve une résonnance en droit français. En effet, la jurisprudence refuse de condamner au titre de la contrefaçon l’échantillon sonore prélevé d’un phonogramme, à ce point modifié qu’il n’est pas reconnaissable par un auditeur moyen, intégré au sein d’un nouveau phonogramme (TGI Paris, 2 décembre 1993, Les Inconnus c/ Maceo Parker, TGI Paris, 5 juillet 2000, Cooper c/ Sté Ogilvy & Mathe ).

Interrogée également sur l’interprétation de la notion de « copie » au sens de la directive 2006/115 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du doit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, la Cour en exclut l’application.

Selon une logique de protection des investissements des producteurs de phonogrammes et de lutte contre la piraterie, seul un support qui reprendrait « la totalité ou une partie substantielle des sons fixés dans un phonogramme » constitue une copie.

La Cour se prononce pareillement sur la citation musicale, définie par l’article 5, paragraphe 3, sous d) de la directive 2001/29. Comme le relevait l’avocat général dans ses conclusions, l’essence de la citation réside dans l’interaction entre l’œuvre citante et l’œuvre citée ; or le sampling constitue davantage une forme d’appropriation. D’autant plus qu’une telle interaction est inexistante lorsqu’il n’est pas possible « d’identifier l’œuvre concernée par la citation en cause » dans l’œuvre nouvelle.

Par son arrêt, la Cour de Justice fournit une grille d’interprétation sur laquelle la juridiction allemande s’appuiera afin de trancher le litige au fond.

Alexandra Mirabelli

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