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CA Paris, Pôle 5 chambre 2, 8 mars 2024, n° 22/03274

L’affaire est intéressante car si les actions engagées contre l’utilisation de chansons dans un cadre publicitaire sont familières, les contentieux portant sur l’adaptation de paroles d’une chanson en matière publicitaire sont beaucoup moins fréquents.

En l’espèce, les auteurs d’un tube des années 80 avait consenti à l’utilisation de leur chanson pour synchroniser une campagne publicitaire, l’œuvre musicale ayant été réenregistrée en adaptant le texte aux besoins de la publicité. En vertu de cette autorisation, l’annonceur était autorisé par les ayants droit à modifier le texte original de la chanson : « De toutes les matières, c’est la ouate qu’elle préfère, c’est la ouate » en l’adaptant de la façon suivante : « Efficace et pas chère, c’est la MAAF que je préfère ! c’est la MAAF ! ».

Après 15 ans d’utilisation, l’annonceur crée une nouvelle campagne publicitaire avec une nouvelle mélodie dans laquelle le slogan devient :« Rien à faire, c’est la MAAF qu’il (elle) (ils) préfère(ent) ! » et « C’est la MAAF que je préfère ! ».

Les ayants-droit contestent l’utilisation de cette expression qu’ils considèrent comme une adaptation non autorisée des paroles de leur chanson, revendiquant que l’expression « De toutes les matières, c’est la ouate qu’elle préfère » est originale indépendamment de la musique.

En première instance, l’analyse des juges avait porté sur la combinaison de la phrase « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère » avec la mélodie de la chanson. Jugeant que cette combinaison bénéficiait de la protection au titre du droit d’auteur, ils avaient en revanche, exclu toute contrefaçon au motif que l’utilisation de la chute de la phrase, consistant dans la reprise du verbe « préférer » conjugué, sans reprise de la mélodie, ne caractérisait pas une contrefaçon de l’expression litigieuse dans sa combinaison originale. Le tribunal avait également débouté les demandeurs sur le fondement du parasitisme relevant que si la nouvelle phrase traduisait la volonté de l’annonceur de maintenir le lien avec la campagne précédente, ce seul slogan ne pouvait, en l’absence d’association avec la mélodie, être considéré comme une valeur économique attribuable aux auteurs de la chanson. Le changement d’univers de la campagne publicitaire au profit d’une parodie de films d’espionnage traduisait au contraire la recherche d’un nouveau positionnement visant à s’écarter de la chanson « C’est la ouate ».

Les ayants interjettent appel et contestent l’analyse des premiers juges ayant considéré que seule l’expression en cause combinée avec la mélodie de la chanson dont elle est extraite était protégée par le droit d’auteur.

La cour rappelle que la chanson « C’est la ouate » est une œuvre de collaboration dont la mélodie et les paroles peuvent être protégées indépendamment l’une de l’autre, en dehors de la protection accordée à l’œuvre musicale dans son ensemble. En l’espèce, la cour juge que si le verbe « préférer » est couramment utilisé par les auteurs, le choix des mots qui composent la phrase peuvent avoir une double signification, leur disposition et combinaison véhiculant un message équivoque et comportant l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs.

La cour rejette cependant toute contrefaçon par la phrase reprise dans la publicité, en retenant qu’elle n’a en commun avec les paroles de la chanson que la chute constituée du verbe « préférer » conjugué à la troisième personne du singulier ou du pluriel. Le slogan publicitaire comporte les mots « Rien à faire » qui sont absents de la phrase revendiquée et a, du fait de la longueur de chacune des parties de la phrase qui ne sont pas équilibrées, une sonorité différente.

La cour confirme également l’analyse des premiers juges sur l’absence d’actes de concurrence déloyale ou de parasitisme. La phrase « « De toutes les matières, c’est la Ouate qu’elle préfère » non associée à la mélodie de l’œuvre musicale « C’est la Ouate » ne constituant pas à elle seule une valeur économique ; l’autorisation précédemment consentie portant sur le réenregistrement avec adaptation publicitaire du texte. Les auteurs ne pouvant s’approprier le verbe « préférer », le slogan publicitaire comporte des mots, une longueur et une sonorité différentes qui excluent tout risque de confusion, l’originalité de la phrase opposée ne résultant précisément que du choix des mots qui la composent, de leur disposition et de leur combinaison.

La décision rendue souligne la complexité de l’appréciation de la contrefaçon, entre adaptation non autorisée et inspiration licite, nécessitant une analyse très détaillée. Il n’est pas certain que l’analyse eut été identique si le premier slogan, autorisé, avait été maintenu sur une musique différente.

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