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CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 23 juin 2023

Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé.

Dès lors, il incombe à celui qui invoque une concurrence déloyale ou parasitaire de rapporter la preuve d’un agissement fautif commis à son préjudice. S’agissant d’actes de parasitisme, il convient d’établir que l’opérateur économique en cause s’est placé dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Dans cette affaire, deux maisons de luxe s’opposaient, la première reprochant à la seconde la commercialisation d’une collection de bijoux nommée Blossom dont certains représentaient un motif de trèfle quadrilobé en pierre dure semi-précieuse entourée d’un contour en métal précieux. La première maison de luxe soutenait que la forme de ces bijoux serait la reprise d’un modèle de ses bijoux iconique nommé Alhambra, créé en 1968 et constitué d’un trèfle à quatre feuilles, parfaitement symétrique.

Trois moyens étaient invoqués au soutien de l’action en concurrence parasitaire pour démontrer la volonté de se placer dans le sillage de la première, à savoir la reprise des éléments caractéristiques des bijoux Alhambra, une pratique tarifaire inférieure et la reprise de codes publicitaires.

En première instance, les agissements parasitaires avaient été retenus et le tribunal avait ordonné, avec exécution provisoire, l’interdiction de la vente de 31 bijoux Blossom ainsi que l’arrêt de leur fabrication et ce, sous astreinte.

La maison de luxe condamnée interjette appel et conteste les trois moyens invoqués.

S’agissant de la reprise des éléments caractéristiques des bijoux, la cour procède à une comparaison détaillée des bijoux en cause et relève que les bijoux Blossom ne reprennent pas l’ensemble des caractéristiques du modèle Alhambra en ce que la forme quadrilobée n’est pas détourée, ne comporte pas de sertissage perlé, ni de caractère double face, que la pierre n’est pas lisse et comporte un élément central. De plus, la cour souligne que l’utilisation de la forme quadrilobée est un élément connu et usuel dans le domaine des arts appliqués et particulièrement de la joaillerie, et que l’usage des pierres précieuses ou semi précieuses de couleur serties de métal précieux s’inscrivent dans les tendances de la mode.

L’appelante démontre au contraire s’être inspirée de la fleur figurant sur sa toile monographique pour l’adapter aux tendances du moment. Ainsi, selon l‘arrêt, la seule reprise de la forme quadrilobée, non ajourée en pierre semi précieuse cerclée par un contour en métal précieux, ne caractérise nullement une volonté de s’inscrire dans le sillage du modèle emblématique de l’intimée.

La cour rejette également l’argument lié à la captation de la structure de la collection Alhambra en relevant d’une part, que la gamme de produits Blossom n’avait pas été modifiée et d’autre part, que le fait de commercialiser une collection composée de colliers, bracelets, bagues et boucles d’oreilles, est usuel dans le domaine de la joaillerie, et ne caractérise pas une volonté de se placer dans le sillage.

La Cour écarte également le moyen tiré d’une pratique tarifaire légèrement inférieure à celle de la collection Alhambra. Après comparaison des prix, la cour juge que les écarts de prix apparaissent hétérogènes, ceux-ci pouvant être largement inférieurs, identiques ou supérieurs selon les produits, et non inférieurs d’environ 17 % comme l’avait retenu le tribunal.

Enfin, s’agissant de la reprise des codes publicitaires, il était reproché à l’appelante la reprise des codes liés à la nature et à la couleur rose pâle, lesquels auraient été en rupture avec ses codes habituels liés au voyage. La cour relève d’une part que seul le thème de la nature est commun aux campagnes, la manière de traiter ce thème étant en revanche différente et que la couleur rose pâle n’apparaissait pas dominante dans la campagne de la collection Alhambra. D’autre part, selon la cour, il n’existe aucune rupture dans la stratégie de communication de la maison de luxe appelante, aux fins de se placer dans le sillage de l’intimé.

La cour juge infirme le jugement en toute ses dispositions, les divers griefs reprochés étant insuffisants à établir, même pris en combinaison, un comportement fautif et le risque d’association relevé par quelques commentaires d’internautes sur les réseaux sociaux étant insuffisant à démontrer un comportement déloyal.

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