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CA Versailles, Section, 2 Mars 2021, n° 18/08237

Par un arrêt du 2 mars 2021, la Cour d’appel de Versailles, a jugé que l’ouvrage « Ladurée Salé » devait être qualifié d’œuvre collective et qu’en conséquence, le demandeur, ancien salarié et chef cuisinier de la société, était irrecevable à revendiquer la titularité de droits d’auteur sur cet ouvrage. Cet arrêt, par sa motivation détaillée, est l’occasion pour la Cour d’appel de Versailles d’apprécier chacun des critères de qualification de l’œuvre collective, issus de l’article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle.

 En l’espèce, après un premier ouvrage « Ladurée Sucré » publié en 2009, la société Pâtisserie E. Ladurée (ci-après la société Ladurée), a souhaité renouveler son partenariat avec une société d’édition littéraire en vue de publier un ouvrage présentant les recettes salées emblématiques de la société Ladurée.

Un chef de cuisine, salarié de la société Ladurée, participe à la réalisation de l’ouvrage, aux côtés d’un photographe et d’une graphiste-styliste employés par la maison d’édition. L’ouvrage « Ladurée Salé » est publié en 2010.

En 2015, concomitamment à son licenciement, le chef de cuisine revendique la titularité des droits d’auteur sur l’ouvrage « Ladurée Salé » indiquant en être le co-auteur en raison de sa participation à « la structure et au manuscrit de l’ouvrage ».

Il assigne la société Ladurée ainsi que la société d’édition. Les demandes formées par le chef de cuisine sont rejetées en première instance. La Cour d’appel de Versailles devait alors trancher le point de savoir si l’œuvre « Ladurée Salé » était une œuvre de collaboration comme le soutenait le demandeur, ou une œuvre collective dont la titularité des droits d’auteur revenait à la société Ladurée ainsi que le revendiquait cette dernière.

D’après l’article L.113-2 du Code de la propriété intellectuelle, « est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. » tandis qu’ « est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. »

Afin d’identifier la part de sa collaboration au sein de l’œuvre « Ladurée Salé », le chef cuisinier indiquait avoir notamment participé à la sélection des recettes, à la composition des chapitres, au dressage des plats ainsi qu’à la rédaction des parties manuscrites de l’ouvrage « Conseils du chef ».

Il revendiquait également que son apport était original et protégeable par le droit d’auteur, faisant état « de la sensibilité de sa cuisine » au sein de cet ouvrage.

Se considérant, co-auteur de l’ouvrage, il invoque la contrefaçon de ses droits patrimoniaux par son ancien employeur, faute pour son contrat de travail de prévoir la cession des droits d’auteur au profit de la société Ladurée. Il réclame à la société Ladurée le paiement d’une somme totale de 75.477.90 euros à titre de dommages et intérêts.

La Cour d’appel de Versailles ne suit pas le raisonnement du demandeur.

  • Sur la question de la sélection des recettes composant l’ouvrage, la Cour estime que les échanges produits par le demandeur ne permettent pas de démontrer qu’il en était seul à l’origine, la sélection ayant « eu lieu dans un cadre prédéfini, résultant d’une réflexion commune».

   La responsable éditoriale, participait à l’ensemble des décisions liées à la sélection des recettes, et a donné des instructions concernant les recettes et l’organisation générale de l’ouvrage. A     contrario, certaines propositions émises par le demandeur n’ont pas été retenues, circonstance démontrant qu’il ne disposait pas d’un pouvoir de décision.

  • S’agissant de la sélection des plats à photographier, la Cour d’appel constate que le demandeur ne s’est pas chargé des prises de vue, cela ne relevant pas de ses compétences techniques. Concernant le dressage des plats, celui-ci correspondant à un savoir-faire technique, est insusceptible de protection au titre du droit d’auteur.
  • Enfin s’agissant de la rubrique « Conseils du chef », qui figurait déjà au sein du premier ouvrage « Ladurée Sucré », la responsable éditoriale a directement sollicité le demandeur afin d’intégrer des rubriques similaires. Pour autant, l’adjoint du demandeur s’est chargé de la rédaction de ces rubriques, le demandeur ne pouvait donc pas revendiquer en être à l’origine.

Au vu de ces éléments, la Cour d’appel estime que la contribution du demandeur à l’élaboration de l’ouvrage était inhérente à ses fonctions de chef cuisinier et que celle-ci s’est fondue dans un ensemble. Des directives précises ont été fournies par la responsable éditoriale, selon un cadre prédéfini par la société Ladurée.

Ainsi, la Cour d’appel considère que l’œuvre a été créée sur l’initiative de la société Ladurée qui a contrôlé l’ensemble du processus de la conception à la réalisation de l’œuvre. En conséquence, l’ouvrage « Ladurée Salé » était une œuvre collective sur laquelle le demandeur ne pouvait revendiquer la titularité des droits d’auteur.

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