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CA Paris, Pôle 5 Ch. 1, 22 mai 2018

Usuellement, l’usage non autorisé de marques de tiers au sein d’une publicité sera considéré comme constitutif d’un acte de contrefaçon et/ou de parasitisme. Ceci suppose néanmoins que l’usage contesté porte sur des produits ou services identiques ou similaires à ceux visés à l’enregistrement ou que le titulaire de la marque soit en mesure de démontrer que cet usage tire profit du pouvoir attractif de la marque.

En l’espèce, la société WL Diffusion, qui avait acquis la marque semi-figurative  pour l’exploiter pour les produits visés au dépôt à l’exception des services de transport, contestait l’usage non autorisé par un tiers, la société Chanel, d’un blason constitutif de sa marque semi-figurative, au sein d’un film publicitaire, visible lors d’un plan sur un décor constitué notamment par un wagon du train de l’Orient Express.

Devant le Tribunal de grande instance, le titulaire de la marque a invoqué l’ensemble des moyens à sa disposition pour contester l’usage au sein du film publicitaire : la contrefaçon de sa marque déposée pour des produits visés au dépôt, l’atteinte à la renommée de sa marque ainsi que des actes de parasitisme. Le Tribunal a rejeté la demande en contrefaçon en raison de la déchéance encourue pour les produits en cause, invoquée en défense à titre reconventionnel.

L’atteinte à la marque de renommée est également rejetée en l’absence de justification par le titulaire de la marque de la renommée de cette dernière, laquelle ne pouvait résulter de décisions de justice anciennes de plus de 20 ans.

Enfin, les agissements parasitaires sont également écartés, l’annonceur justifiant avoir conclu un accord avec la société propriétaire des wagons, qui disposait également du droit d’utiliser le nom et le monogramme pendant toute la durée de vie desdits wagons. Le Tribunal relève qu’outre l’accord de tournage autorisant l’usage moyennant une contrepartie financière, la marque n’apparaissait qu’à titre de décor et associée uniquement aux voitures du train sur lesquelles elle est apposée. Le fait que le blason ait été déplacé pour des raisons de cadrage afin qu’il puisse être visible lorsque l’actrice monte dans le train « n’a pas pour conséquence de faire du signe un usage à titre de marque mais seulement de le montrer comme un élément important de l’atmosphère du film ».

La société WL Diffusion interjette appel du jugement et renonce à invoquer la contrefaçon de sa marque. Elle maintient en revanche ses demandes au titre de l’atteinte à sa marque de renommée ainsi qu’au titre des actes de parasitisme.

La Cour confirme le jugement malgré les nouvelles pièces produites par WL Diffusion pour tenter de justifier de la renommée de la marque. La Cour rappelle qu’une marque est considérée de renommée lorsqu’elle est connue d’une large fraction du public et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction indépendamment des produits et services qu’elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment de l’atteinte alléguée. En l’espèce, la Cour retient que le titulaire de la marque n’établit pas que la marque est en elle-même, prise isolément, sans référence à l’univers des trains et notamment à la dénomination « Orient Express », connue d’une large fraction du public et dotée du pouvoir d’attraction allégué. Le sondage produit par l’appelant est jugé non représentatif du public pertinent, à savoir le grand public, puisque les personnes interrogées sont considérées comme appartenant à une catégorie socio-professionnelle favorisée.

Concernant le grief de parasitisme, la Cour rejette également l’argument en soulignant, comme les premiers juges, que « les éléments verbaux et figuratifs apparaissent de manière fugitive et secondaire, à titre de décor, apposés sur les voitures du train ». L’annonceur avait acquis le droit de montrer les éléments du train, dont ses décors et, dans ces conditions, le déplacement du logo sur la paroi du train afin qu’il apparaisse dans le film publicitaire ne pouvait suffire à démontrer le parasitisme allégué.

Les circonstances particulières de l’espèce expliquent l’arrêt rendu. Toutefois, à supposer que la renommée de la marque ait été démontrée, il paraît peu probable que l’atteinte eut été retenue en raison de l’autorisation consentie.

A l’inverse, en l’absence de toute autorisation spécifique liée au décor, il n’est pas certain que la décision eut été différente compte tenu du caractère accessoire et furtif de la reproduction soulignée par la Cour, qui n’est pas sans rappeler la solution jurisprudentielle de la théorie de l’accessoire appliquée en matière de droit d’auteur.

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