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CJUE, 10 juillet 2014

C’est l’une des premières décisions de la CJUE se prononçant sur les conditions de validité d’une marque représentant l’agencement d’un commerce. Par sa décision du 10 juillet 2014, la CJUE admet que les entreprises actives dans le secteur de la vente de détail et disposant à ce titre de réseaux de magasins identifiables par les consommateurs, grâce à un agencement propre, peuvent voir cet agencement protégé par une marque, sous conditions…Une manière habile de se prémunir contre les imitations de tiers et de pallier les faiblesses d’autres modes de protection tels que le dépôt de modèle. En effet, dans ce dernier cas, l’on sait que la condition relative à l’absence de divulgation du modèle (dans la limite d’un an avant le dépôt) constitue souvent un obstacle à l’utilisation de ce mode de protection en matière d’agencements de magasins.

Dans cette affaire, Apple avait commencé par déposer aux Etats-Unis une marque consistant dans la représentation en couleurs de ses magasins et désignant certains services de la classe 35, en l’occurrence « les services de commerce de détail relatifs aux ordinateurs, logiciels, périphériques, téléphones portables, électronique grand public et accessoires et démonstration de produits relatifs ».

Souhaitant obtenir la même protection en Europe, Apple a procédé à l’extension internationale de cette marque américaine. Cette démarche a suscité un refus de l’office allemand, ce dernier estimant que la marque se trouvait dénuée de caractère distinctif. Le premier motif avancé avait en l’occurrence une portée générale, l’office allemand estimant que l’agencement des espaces de vente d’une entreprise ne saurait être appréhendé par le consommateur comme une indication de l’origine des produits de celle-ci. L’office allemand avait en outre considéré qu’en l’espèce l’agencement représenté par la marque ne distinguait pas suffisamment les magasins d’Apple des magasins d’autres fournisseurs de produits de même nature.

Sur recours d’Apple, le Bundespatentgericht a saisi la CJUE de plusieurs questions préjudicielles. En substance, la question posée était de savoir si la représentation par un simple dessin, sans indication de taille ni de proportions, de l’aménagement d’un espace de vente peut être enregistrée comme marque pour des services consistant dans des prestations visant à déclencher l’acte d’achat du consommateur. Autrement dit, étant rappelé qu’une marque peut parfaitement protéger le conditionnement d’un produit, peut-elle de la même manière protéger l’agence d’un espace de vente dans lequel des prestations de services – dont l’objectif final est la réalisation d’une vente – sont délivrées au consommateur.

La Cour rappelle tout d’abord qu’un dessin représentant un espace de vente constitue bien, au sens de la directive 2008/95, un signe susceptible de protection par la marque sans qu’il soit nécessaire que ce dessin ne soit accompagné de précisions quant à la taille et aux proportions de l’espace de vente. L’essentiel du débat portait donc en réalité sur l’aptitude de la marque constituée d’une représentation graphique du magasin à identifier l’origine du service fourni au consommateur.

La fonction d’indication d’origine de la marque n’est assurée que si celle-ci permet au consommateur de différencier le service de l’entreprise déposante de celui fourni par les autres entreprises du même secteur. La CJUE estime à cet égard « qu’il ne saurait être exclu » qu’une marque consistant dans la représentation graphique d’un espace de vente assure cette fonction de différenciation. En revanche, s’écartant de la méthodologie de l’office allemand, la Cour rappelle que cette appréciation doit être effectuée in concreto en tenant compte des services visés ainsi que de la perception qu’en a le public pertinent dans chaque cas d’espèce. La CJUE insiste ici sur le fait que les critères d’appréciation de la distinctivité d’une marque représentant l’agencement d’un magasin « ne sauraient être différents de ceux utilisés pour d’autres signes ».

Sur la question de savoir si la représentation graphique du magasin d’Apple déposée en classe 35 pouvait effectivement désigner un « service », la CJUE ne l’exclut pas non plus. La CJUE souligne toutefois que les prestations de services visant à amener un consommateur à acheter les produits ne doivent pas faire partie intégrante de la vente desdits produits. C’est sans doute ce dernier critère qui peut être difficile à apprécier et à appliquer. En l’espèce, il est intéressant de noter que la société Apple avait fait valoir qu’elle effectuait dans ses magasins des démonstrations de produits « au moyen de séminaires », ce que la Cour semble considérer comme une prestation détachable de la vente elle-même.

En attendant le dernier mot de la juridiction allemande, la décision de la CJUE permet à Apple de poser un jalon en Europe en vue de la protection par la marque de l’agencement de ses magasins auquel on sait que l’entreprise porte une attention toute particulière, tout comme ses concurrents…

Héléna DELABARRE

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