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TGI de Paris, 3ème Ch., 4ème sect., 12 Octobre 2017

L’utilisation d’une marque d’une société concurrente dans le code source d’un site internet n’est pas un acte de contrefaçon, mais peut constituer un acte de concurrence déloyale et parasitaire.

La société Aquarelle, qui se présentait comme la deuxième enseigne de vente de fleurs en ligne et qui est titulaire d’une marque verbale « Aquarelle », reprochait à une société concurrente d’avoir surenchéri et réservé un mot-clé identique à sa marque sur la plateforme Google Adwords. En conséquence, le site internet de la société concurrente apparaissait en première position lorsqu’une requête était effectuée à partir de ce terme sur le moteur de recherche. Après l’avoir mis en demeure de cesser ces agissements, le titulaire de la marque a découvert que le site internet de la société concurrente avait été modifié, et comportait désormais une mention « Site officiel » ainsi qu’une rubrique « Bouquet et Aquarelle ».

Estimant ces agissements constitutifs d’actes de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale et parasitaire, le titulaire de la marque a assigné cette société devant le Tribunal de grande instance.

Sur le fondement de la contrefaçon de la marque « Aquarelle » :

(1) Tout d’abord, le demandeur prétendait que l’achat du mot-clé « Aquarelle » sur la plateforme Google Adwords pour vendre des produits identiques constituait un acte de contrefaçon de la marque éponyme. Selon le demandeur, l’annonce commerciale de la société défenderesse ne permettait pas au consommateur d’attention moyenne de savoir que les produits visés par l’annonce provenaient d’une autre société que celle titulaire de la marque Aquarelle.

Citant la jurisprudence rendue par la Cour de Justice de l’Union européenne (affaires C-236-08 à C 238-08, Google c. Louis Vuitton Malletier SA), le Tribunal rappelle que la réservation d’un mot-clé identique à une marque, pour faire la promotion de produits et/ou services identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, ne porte atteinte aux droits du titulaire de la marque que si la publicité « ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ». En effet, selon la jurisprudence, la seule réservation d’un mot-clé identique à une marque ne constitue pas en soi un acte de contrefaçon de marque, en l’absence d’usage de la marque dans la vie des affaires, le signe protégé n’était pas repris aux yeux du public.

En l’espèce, le Tribunal a estimé que la présence dans l’annonce de termes d’appels et descriptifs tels que la mention « Site Officiel » et les mots « bouquet de fleurs » apparaît « très courante sur internet pour faciliter l’identification de l’activité sans forcément faire état d’une marque ou d’une dénomination sociale ».

Par conséquent, le Tribunal a jugé qu’aucun acte de contrefaçon de la marque par l’usage du mot-clé n’était caractérisé.

(2) La société demanderesse reprochait ensuite à la société défenderesse l’usage de sa marque « Aquarelle » sur son site internet. En l’espèce, une rubrique « Bouquet et Aquarelle » avait été créée après réception d’une mise en demeure du titulaire de la marque « Aquarelle », pour, selon la défenderesse, « diversifier ses produits » en accompagnant « ses ventes de fleurs (…) de produits relatifs aux aquarelles tels que des pinceaux ».

Le Tribunal a jugé qu’une telle reproduction du terme « aquarelle » ne constituait pas une reproduction contrefaisante de la marque « Aquarelle », mais était « générique » pour désigner « les peintures et ses accessoires ».

(3) Enfin, le demandeur soutenait que la défenderesse avait commis un acte de contrefaçon en reproduisant la marque « aquarelle » dans le code source de son site.

Le Tribunal a jugé qu’une telle reproduction n’était pas contrefaisante en l’absence d’usage à titre de marque, la balise, présente dans le code source de la rubrique « Bouquet et aquarelle », étant invisible et inaccessible au public.

Sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire :

La société demanderesse reprochait au défendeur, sur le fondement des mêmes faits, un comportement déloyal.

Selon le Tribunal, la marque de la demanderesse était très distinctive pour des fleurs, et permettait au public d’identifier la société demanderesse depuis des années. L’utilisation de ce terme par un concurrent au sein d’une rubrique « Bouquet et Aquarelle » pouvait « provoquer une association d’idées dans l’esprit du consommateur entre les entreprises faisant croire à un lien entre elles ».

Le Tribunal a rejeté l’argument développé par la défenderesse, qui justifiait l’usage du terme « aquarelle » dans ce contexte par sa volonté de vendre du matériel de peinture, le qualifiant de « faux prétexte ».

Le Tribunal a ainsi estimé ce comportement fautif, engageant la responsabilité civile de la société défenderesse au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, et a condamné celle-ci à la somme de 10.000 euros.

Antoine JACQUEMART

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