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TJ Paris, 3ème Ch., 25 février 2021

Le Tribunal Judiciaire de Paris, dans son jugement rendu le 25 février 2021, reconnait que l’emblème du groupe de rock The Rolling Stones, le fameux « Tongue and Lips », enregistré en tant que marque figurative de l’Union européenne, est une marque de renommée et que l’exploitation par un tiers du logo, créé par le designer anglais John Pasche, constitue une contrefaçon de la marque et des droits patrimoniaux d’auteur.

Ce litige opposait une société néerlandaise, titulaire et gestionnaire de la majorité des droits de propriété intellectuelle de The Rolling Stones, et notamment de deux marques représentant le logo du groupe, à une société importatrice d’écussons représentant le logo. Les logos étaient quasi-identiques, ne se distinguant que par le remplissage des lèvres représentant le motif du drapeau breton, le « Gwen Ha Du ».

L’apport essentiel de cette décision porte sur la renommée de la marque figurative. Pour fonder sa décision, le Tribunal rappelle la décision General Motors Corp. Contre Yplon SA rendue par la Cour de justice des Communautés européenne le 14 septembre 1999 selon laquelle, pour être reconnue comme une marque de renommée, la marque doit être connue par une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle.

Citant des articles publiés dans plusieurs journaux qualifiant le logo d’iconique, voir même « le plus iconique de tous les temps », considéré comme « la langue vivante des Rolling Stones » accompagnant le groupe depuis 40 ans, le Tribunal juge ainsi que, compte tenu du lien très étroit existant entre le logo reproduit par les marques et le groupe The Rolling Stones, qui jouit d’une importante célébrité sur le territoire de l’Union, les marques en cause sont connues d’une partie significative du public, font l’objet d’un usage intensif, et jouissent dès lors d’une importante renommée dans l’Union Européenne. Cette décision relève le lien étroit et systématique entre cette marque et l’identification du groupe The Rolling Stones, dont la grande aura médiatique participe ainsi directement à la renommée de la marque..

La contrefaçon est établie en retenant que les écussons litigieux reprennent à l’identique le tracé, la forme et le volume de la bouche et des lèvres, des dents et de la langue, la seule différence étant la reproduction du drapeau breton au niveau des lèvres. Le Tribunal juge ainsi que « les signes renvoient à l’évidence pour le consommateur moyen à l’univers du rock véhiculé par le logo de la bouche caractéristique à l’univers des Rolling Stones » et il existe, compte tenu de la forte similarité des signes pour des produits identiques, un risque de confusion dans l’esprit du public.

Le Tribunal devait également prendre position sur la violation alléguée des droits d’auteur sur le logo. Après avoir souligné que la société demanderesse, qui commercialise sous son nom propre les patchs brodés du logo, est présumée titulaire des droits patrimoniaux d’auteur, le Tribunal va se prononcer sur l’originalité de l’œuvre. Alors que la société défenderesse opposait que John Pasche se serait fortement inspiré des lèvres rouges de la déesse Kali, le Tribunal considère que bien qu’inspiré des images orientales, John Pasche y a associé des éléments émanant d’un univers psychédélique et traduit un message invitant à un bouleversement des mœurs traduisant une vision propre de l’auteur, de sorte que le logo est original.

La société défenderesse se prévalait également de l’exception de parodie au droit d’auteur afin de contester la contrefaçon, au motif que l’écusson qu’elle commercialise est accompagné d’un discours satirique. Le Tribunal estime toutefois que les écussons ne reproduisent aucun texte et sont dépourvus d’un effet parodique, caricatural ou humoristique qui ne peut découler de la seule impression du drapeau breton. Compte tenu des très fortes similitudes entre les motifs, les actes de contrefaçon au droit d’auteur sont établis.

Enfin, le Tribunal ne retiendra pas d’actes de concurrence déloyale ni de parasitisme au motif que la demanderesse ne fait état d’aucun fait de concurrence et de parasitisme distinct des faits de contrefaçon des marques et de droits d’auteur.

Victoire Léandri

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