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Décision n° 2009-58 DC du 10 juin 2009 – Par sa décision du 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que plusieurs des dispositions des articles 5 et 11 de la loi Création et Internet n’étaient pas conformes à la Constitution. Sans considérer, contrairement aux commentaires hâtifs, que l’accès à Internet soit une « liberté fondamentale », le Conseil a retenu que « en l’état, les atteintes à la liberté d’accéder à Internet s’analysent comme des atteintes à la liberté de communication et d’expression ».

Le Conseil constitutionnel énonce que seule une juridiction peut être habilitée à prendre des mesures de cette nature et sanctionne en conséquence les dispositions permettant à la Hadopi d’ordonner la suspension à l’abonnement.

En censurant le volet répression de la loi, le Conseil constitutionnel la prive de l’un de ses éléments essentiels ; paradoxalement, l’on relèvera que c’est le souci d’éviter une sanction financière qui motive cette censure puisque, après avoir réaffirmé la possibilité pour une autorité administrative d’imposer des sanctions financières, c’est l’atteinte à la liberté d’expression que le Conseil exclut de la compétence d’une autorité administrative indépendante.

L’on peut relever que le Conseil constitutionnel a pris soin de relever la compétence particulièrement large accordée à la Hadopi, non limitée à une catégorie de personnes,et le fait que les mesures affectaient les citoyens à leur domicile ; cette motivation vise à éviter que soit contestée la compétence d’autres autorités administratives, telles que le CSA, à prononcer des sanctions.

Pour compléter le mécanisme en trois étapes, deux voies sont ouvertes au Ministre de la Culture :

– soit, dans la logique d’une sanction éducative, de faire voter par le Parlement des dispositions permettant au juge de mettre en œuvre la suspension,
– soit de mettre en œuvre, plus simplement, une sanction financière, sous la forme d’une amende prononcée par une ordonnance pénale.

Dans ce cadre, la Hadopi pourrait rester compétente pour proposer et conclure des transactions avant de transmettre le dossier à une juridiction répressive. Paradoxalement, le caractère dissuasif de la sanction pourrait être renforcé du fait que la saisine du procureur donnera l’option au Parquet de saisir le tribunal d’une demande de suspension ou d’engager des poursuites pour contrefaçon.

En effet, en jugeant que la méconnaissance de l’obligation de surveillance était énoncée en des termes suffisamment clairs et en validant les procédures de collecte des informations et de traitements par la Hadopi, compte tenu de l’intérêt de développer des traitements non répressifs des atteintes à la propriété intellectuelle, le Conseil constitutionnel valide le mécanisme permettant la mise en œuvre automatisée des mises en garde et des sanctions.

D’autre part, le Conseil constitutionnel réaffirme avec force la protection constitutionnelle des droits de propriété intellectuelle et les pouvoirs renforcés du juge de prendre toute mesure proportionnée visant à faire cesser une atteinte à ces droits.

C’est en définitive dans le principe de responsabilité personnelle en matière répressive que se situent les obstacles les plus sérieux au mécanisme de « réponse graduée ». Le Conseil constitutionnel pointe en effet la difficulté pour l’internaute de s’exonérer de la présomption de responsabilité et rappelle que l’admission de cette présomption dans le Code de la Route ne permet pas de prononcer une sanction privative de droits mais une simple sanction pécuniaire. Selon le Conseil constitutionnel les présomptions ne sont admissibles que si « elles ne revêtent pas un caractère irréfragable, qu’est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité », ce qui exclut que l’abonné doive prouver que la contrefaçon procède de la fraude d’un tiers pour s’exonérer de sanctions « privatives ou restrictives de droit ».

La censure par le Conseil constitutionnel de certaines des dispositions des articles 5 et 11 permet au Gouvernement de promulguer le reste de la loi, de telle sorte que les mesures relatives à la labellisation d’offres de téléchargement, de logiciels de sécurisation, de définition du mécanisme de chronologie des médias, de responsabilité des éditeurs de presse en ligne et les dispositions relatives au statut des journalistes pourront entrer en vigueur dès la promulgation.

C’est le choix qu’a fait le Gouvernement en annonçant la promulgation prochaine de la loi et le dépôt rapide au parlement d’un court texte de loi sur les sanctions. Si ce calendrier est respecté, l’application de la loi ne connaîtrait pas de retard, car les sanctions ne peuvent intervenir qu’après les mises en garde et l’homologation des logiciels de sécurisation.

Eric LAUVAUX

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