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CA Paris, Pole 5, Ch. 2, 6 janvier 2023

Le célèbre artiste peintre créateur du « Bleu Klein » avait déposé à l’INPI sous une enveloppe Soleau, la formule de création de ce bleu, divulguée au public sous le nom de « International Klein Blue ». Après sa mort en 1962, deux sociétés ont été créées afin de gérer l’héritage de l’artiste. La première, de droit maltais, a pour objet de concéder des licences de marques, dont les marques verbales française et de l’Union européenne « Yves Klein » déposées respectivement en avril 2018 et en mai 2018, visant notamment les produits de « tapisseries non en matière textile, les papiers peints, les papiers peints textiles, les revêtements de sols et tapis ». La seconde de droit français a pour activité la gestion et l’administration des archives de l’artiste, des prestations relatives à son œuvre ainsi que la gestion et l’administration de ses droits d’auteur.

Une société spécialisée dans les tissus d’ameublement et les papiers peints commercialisait sur deux sites internet, un panneau mural panoramique référencé sous le nom « Klein au paradis », de coloris « Bleu Klein » ainsi que 19 références de tissus et de papier peints identifiés sous les coloris « Klein » ou « Bleu Klein », également reproduits dans un catalogue de vente, associés à une citation de l’artiste « on ne représente l’infini, on le produit ».

Les deux sociétés gestionnaires des droits ainsi que le fils de l’artiste contestant l’usage effectué sur les fondements de la contrefaçon de marques, d’actes de parasitisme et d’atteinte au nom patronymique, ont fait procédé à des opérations de saisie contrefaçon en septembre 2018.

En défense, le fabricant de papiers peints indiquait que le catalogue avait été édité en janvier 2017 soit antérieurement au dépôt des marques et que le produit avait été depuis lors renommé « Bleu du paradis ». Elle précisait également que 5 panneaux « Klein au paradis » avaient été vendus en 2017 mais aucun en 2018, et que la vente du produit avait été arrêtée. Enfin, elle justifiait de la destruction de 36 rouleaux du produit incriminé, constaté par constat d’huissier et proposait une indemnisation pour les faits reprochés à hauteur de 5.000 euros.

Malgré cette proposition, les deux sociétés ainsi que le fils de l’artiste assignaient le fabricant de papiers peints.

Le tribunal rejette la contrefaçon de marque aux motifs que les termes litigieux n’avaient été utilisés qu’en tant qu’intitulé d’un coloris sans porter atteinte à la fonction essentielle d’indicateur et de garantie d’origine des produits. En revanche, les juges retiennent des actes de parasitisme à l’encontre de la seule société gérant les droits de l’artiste et condamne le fabriquant à 2.000 euros de dommages et intérêts pour avoir reproduit sans autorisation, une citation de l’artiste pour la commercialisation et la promotion de ses produits. Enfin, l’atteinte au nom patronymique est également rejetée.

En appel, la cour infirme le jugement.

Sur le grief de contrefaçon de marque, la cour juge que l’utilisation du signe « Klein au paradis » pour désigner un produit identique ou très fortement similaire à ceux visés par les marques opposées crée dans l’esprit public un risque de confusion quant à l’origine des produits, le consommateur pouvant croire que les produits présentés sous cette dénomination proviennent, en raison d’accords entre sociétés, d’une origine commune.

En l’espèce, la cour ne retient qu’un préjudice limité puisque i) la société titulaire des marques n’était recevable à agir en contrefaçon que pour les faits postérieurs à la date de publication desdites marques et ii) seule avait persisté après ces dates l’existence de catalogues. La cour retient en revanche que les agissements de trois revendeurs du fabricant qui avaient maintenu l’offre sur leurs sites ne peuvent lui être reprochés alors qu’il avait adressé un mail aux revendeurs indiquant que le produit et la référence devaient être supprimés et qu’il en avait cessé la livraison.

Sur le grief d’actes de parasitisme, la cour infirme le jugement et déboute les appelants en soulignant que les créations et citations critiquées étaient le fait de l’artiste et non des sociétés créées plus de 50 ans après au décès de l’artiste. En l’espèce, les deux sociétés appelantes n’ont pas apporté la preuve d’actions et d’investissements effectués par elles pour maintenir la notoriété de l’artiste, qui auraient été détournés.

Enfin, il est fait droit à la demande du fils de l’artiste sur le fondement de l’atteinte à son nom patronymique en raison de l’utilisation de celui-ci sans autorisation à des fins commerciale pour désigner des produits ou des couleurs en référence à l’artiste et ce de manière injustifiée. La cour rappelle que si le droit au nom est essentiellement attaché à la personne de son titulaire et s’éteint en principe avec le décès de celui-ci, il peut également présenter un caractère patrimonial qui permet d’en monnayer l’exploitation commerciale et se transmet aux héritiers, et que par ailleurs les descendants d’une personne défunte sont ainsi en droit de protéger sa mémoire, sa réputation et sa pensée. En l’espèce, la cour retient que l’utilisation du nom patronymique Klein, qui est à la fois celui de l’artiste et celui de son fils, de manière injustifiée, cause un préjudice moral à ce dernier en qualité d’héritier.

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