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Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème chambre, 3ème section, 28 octobre 2016

La société Carrefour Hypermarchés (ci-après la « Société Carrefour ») a diffusé une publicité au sein de différents journaux et à la radio, afin de mettre en exergue les écarts de prix existants entre différents magasins à enseigne Leclerc et proposant à tout client de rembourser 2 fois la différence s’il trouvait un produit moins cher ailleurs.

Estimant de tels agissements constitutifs d’une contrefaçon de la marque « E. Leclerc », l’Association des Centres de Distribution E. Leclerc (ci-après l’ « ACD. Lec. ») a fait délivrer à la Société Carrefour une sommation de cesser la diffusion de la publicité litigieuse, à laquelle cette dernière a répondu en invoquant l’exception de publicité comparative.

Le 27 janvier 2015, l’ACD. Lec. a assigné devant le Tribunal de grande Instance de Paris la Société Carrefour, notamment en contrefaçon de marques.

La publicité comparative est définie comme « toute publicité qui explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent » (Directive 2006/114, CE du 12 décembre 2006, article 2. c)). Pour être licite, une publicité comparative doit remplir les conditions de l’article L122-1 du code de la consommation (anciennement article L121-8 du même code), c’est-à-dire :
– ne pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
– porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
– comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou service, dont le prix peut faire partie.

Le Tribunal de grande Instance rappelle donc que pour être licite, cette publicité comparative doit « présenter une comparaison objective des caractéristiques essentielles et pertinentes des biens ou services concernés ».

La Société Carrefour arguait que tel était le cas, puisqu’elle s’était appuyée, pour calculer les écarts de prix constatés entre les différents magasins à enseigne Leclerc, sur 500 produits de grandes marques.

Cependant, le Tribunal constate que la publicité litigieuse ne fait que préciser, s’agissant des prix pratiqués à la même époque sur les mêmes produits par les magasins Carrefour, une « garantie prix le plus bas Carrefour ». Par cette garantie, la Société Carrefour indique offrir à ses clients les prix les moins chers sur plus de 1000 produits de grandes marques.

Le Tribunal estime que ce procédé ne permettait pas une comparaison objective, puisque :
– il nécessitait « une vérification a posteriori des prix pratiqués par une démarche du consommateur », afin de bénéficier le cas échéant de la « garantie » Carrefour ;
– la Société Carrefour n’apportait pas la preuve des prix pratiqués dans ses magasins, à l’époque de la campagne publicitaire litigieuse, et sur les produits dont les prix avaient été relevés dans les magasins Leclerc ;
– il était fait référence, d’une part, à 500 produits de grandes marques et, d’autre part à 1000 produits de grandes marques, de sorte que « nécessairement, les produits équivalent ne sont pas équivalents, ne serait-ce que par leur nombre ».

Le Tribunal de Grande Instance conclut donc que la publicité litigieuse diffusée par la Société Carrefour est illicite.

Cette publicité comparative étant illicite, le Tribunal estime que la reproduction des signes « Leclerc » et « E. Leclerc » au sein de la publicité litigieuse constituait une contrefaçon des marques verbales françaises et communautaires invoquées par la demanderesse et dont elle est titulaire.

En effet, le Tribunal retient que la publicité litigieuse comportait une critique de la politique de prix pratiquée par la demanderesse, puisqu’elle affirmait qu’il n’est « pas facile de savoir qui est le moins cher quand il y a d’aussi gros écarts de prix entre 2 magasins E Leclerc de votre région », critique qu’elle qualifie « d’autant plus tendancieuse qu’elle passe sous silence les écarts de prix pouvant exister entre différents magasins » de la Société Carrefour.

Le Tribunal estime que les reproductions litigieuses des marques évoquées par la demanderesse ne portaient pas atteinte à la fonction principale d’identification et de garantie d’origine commerciale des produits et services, mais à une des autres fonctions de la marque dégagée par la CJUE dans son arrêt du 18 juin 2009 (CJUE, affaire C-487/07), en l’occurrence la fonction de communication et de publicité des marques.

Le Tribunal condamne donc la société Carrefour pour contrefaçon de marque.

Antoine JACQUEMART

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