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TGI Paris, 3ème Ch., 4ème Sec., 7 juin 2012 ; CA Paris, Pôle 5, Ch.2, 11 mai 2012

L’atteinte à une marque de renommée est un fondement largement utilisé par les titulaires de marques ayant une forte notoriété puisqu’elle permet de bénéficier d’une protection étendue aux produits et services non similaires à ceux couverts par le dépôt.  L’appréciation par les juges du caractère de renommée ainsi que de l’atteinte portée rend l’exercice délicat.

Les marques dites de renommée bénéficient aux termes de l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) d’une protection propre contre l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque de renommée, pour des produits ou des services similaires ou non.

Il suffit au titulaire de la marque de renommée de démontrer que l’usage du signe litigieux lui porte préjudice ou constitue une exploitation injustifiée.  Selon la jurisprudence communautaire, les atteintes sont de 3 ordres : le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, le préjudice porté à la renommée de la marque et, enfin, le profit indument tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque.

Le bénéfice de cette protection suppose bien entendu que la renommée de la marque soit préalablement reconnue. Tel est le cas lorsque la marque est connue d’une partie significative du public concerné, constitué de consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs s’agissant de produits de consommation, pour les produits ou les services couverts par ladite marque.

Les deux décisions rendues concernant la marque MUST illustrent parfaitement la difficulté et  les divergences de la jurisprudence en la matière.

Dans la première affaire, les sociétés CARTIER SAS et CARTIER INTERNATIONAL s’opposaient au dépôt de la marque MUST LEDs Medical Ultra Spectrum Therapy désignant des produits et services des classes 5, 42 et 44 ainsi qu’à l’usage de la dénomination MUST LEDs pour promouvoir des produits destinés à traiter certaines pathologies par la lumière et lutter contre les effets du vieillissement.

Sans contester la notoriété de la marque MUST, le défendeur faisait valoir que cette notoriété ne suffisait pas pour bénéficier de la protection de l’article L.713-5 du CPI et qu’il incombait en conséquence aux sociétés demanderesses de démontrer que l’utilisation du signe contesté était de nature à leur porter préjudice ou que cette exploitation était injustifiée.

En première instance, le tribunal tout en relevant que la marque MUST bénéficie de la protection des marques de renommée, rejette les demandes en annulation et en réparation du préjudice résultant de la perte de distinctivité de la marque de renommée MUST. Malgré la présence du terme d’attaque identique MUST, les juges concluent à l’absence d’imitation entre les signes ainsi qu’à l’absence de risque de confusion ou d’association.

La Cour infirme le jugement et retient l’atteinte à la renommée de la marque MUST. Contrairement aux juges de première instance, la Cour retient la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes en considérant que le public sera amené à établir un lien entre les deux marques.

Après avoir établi l’existence d’un lien entre les signes, la Cour rejette néanmoins l’atteinte au caractère distinctif de la marque de renommée en l’absence de démonstration d’une modification de comportement économique du consommateur ainsi que le grief de profit indument tiré de la renommée de ladite marque. La Cour accueille en revanche le préjudice porté à la renommée, la nature des produits couverts par la marque postérieure étant jugée contraire à l’image de prestige véhiculée par la marque de renommée.

Dans la seconde affaire, les sociétés CARTIER s’opposaient cette fois au dépôt par un laboratoire pharmaceutique de plusieurs marques comportant le mot « MUST » et notamment « LES MUST – 15è ANNIVERSAIRE », « LES MUST DE LA CARDIOLOGIE », « LES MUST DE L’ONCOLOGIE ».

Le tribunal rejette les demandes au titre de l’atteinte à la renommée de la marque MUST en l’absence de démonstration par les demanderesses du caractère de renommée de la marque à la date du dépôt des marques postérieures contestées.

En effet, dans cette affaire et contrairement à la précédente, le défendeur a contesté la renommée de la marque « MUST ». Le tribunal a alors du examiner les éléments supposés démontrer la renommée de la marque et relève que si la renommée a été reconnue par des décisions judiciaires passées, le caractère notoire peut disparaitre. En l’espèce, les juges retiennent, après un examen détaillé des pièces fournies, que si elles démontrent que la marque est exploitée, elles ne justifient pas que la part de marché détenue est importante dans son secteur d’activité, ni que malgré une baisse significative de l’exploitation de la marque MUST, cette dernière demeure de renommée auprès d’une partie significative du public au jour du dépôt des marques litigieuses.

En rejetant le caractère de renommée de la marque MUST, les juges ont-ils souhaité en l’espèce, éviter un usage trop généralisé de l’atteinte à la marque de renommée ?

En tout état de cause, ce jugement risque de faire grimacer les titulaires de marque dont l’action sur ce fondement devient un exercice délicat.

Florence DAUVERGNE

 

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