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Cass. Civ. 1ère, 14 décembre 2016

Dans cette affaire, une société a été assignée par la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP) en paiement des sommes dues au titre de l’utilisation de phonogrammes, par voie satellitaire, dans le cadre de son activité de sonorisation des lieux de vente de ses clients.

 
La SCPP lui reprochait d’avoir refusé de signer un contrat général de représentation, lui permettant d’utiliser les phonogrammes de son répertoire, alors qu’une telle autorisation (et le versement de la rémunération correspondante) était selon elle nécessaire. Elle se fondait sur l’article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose que l’autorisation des producteurs de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à disposition ou communication au public de leurs phonogrammes.

En réponse, la société soutenait qu’une telle obligation ne s’appliquait pas en l’espèce, car son activité de sonorisation, par voie satellitaire, relevait au contraire du régime de la licence légale prévu à l’article L.212-4 du même Code. Ce texte prévoit notamment que le producteur d’un phonogramme -et l’artiste interprète- ne peuvent s’opposer à la radiodiffusion d’un phonogramme qui a été publié à des fins de commerce, effectuée par ou pour le compte d’entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable.

La Cour de cassation devait en conséquence déterminer si la sonorisation par voie satellitaire relève du régime de la licence légale ou du droit exclusif des producteurs de phonogrammes.

Pour ce faire, elle a tout d’abord rappelé la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui prévoit que la communication au public par satellite est réalisée si les signaux provenant du satellite (et non les programmes portés par de tels signaux) sont destinés à être captés par le public, lequel est constitué par un nombre indéterminé d’auditeurs potentiels.

La Cour de cassation a ensuite conclu que le régime de la licence légale n’est susceptible de s’appliquer à la radiodiffusion par satellite d’un phonogramme publié à des fins de commerce, que si les signaux provenant du satellite sont destinés à être captés, directement et individuellement, par le public ou une catégorie de public.

En l’espèce, l’arrêt relève que la diffusion des programmes musicaux aux fins de sonorisation était assurée au sein des magasins par l’intermédiaire des clients de la société, et qu’en conséquence, les signaux émis par la société n’étaient pas destinés à être captés individuellement et directement par le public ou une catégorie de public.

Le régime de la licence légale n’avait donc pas vocation à s’appliquer. La société aurait dû obtenir l’autorisation des producteurs de phonogrammes (notamment via la signature d’un contrat général avec les sociétés civiles les représentant) et leur verser la rémunération correspondante.

Cet arrêt apporte des précisions intéressantes sur la notion de communication au public par radiodiffusion, ainsi que sur les conditions (strictes) d’application de l’exception au droit exclusif des producteurs de phonogrammes prévue par l’article L.212-4 du Code.

Camille BURKHART

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Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.

 

Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.

 

La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».

 

Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.

 

En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe Image de la marquen’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.

 

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

 

La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe Image de la marque, avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».

 

La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.

 

 

Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.

 

La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.

 

Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.

 

 

Antoine JACQUEMART

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