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Par un arrêt du 19 octobre 2022, la Cour de cassation revient sur la question de savoir si la clause d’un contrat de distribution sélectif, qui interdit au distributeur agréé de vendre les produits aux revendeurs non agréés situés sur des territoires non-couverts par le système de distribution sélective, est licite.

L’affaire en cause opposait la société Coty France, à France Télévisions.

Cette dernière avait été assignée pour avoir diffusé des émissions télévisées présentant le site Internet d’un distributeur hors réseau comme permettant aux consommateurs d’accéder à des réductions de prix allant jusqu’à 70 % sur les marques Coty.

Puisque la protection d’un réseau de distribution sélective suppose de prouver sa licéité, il appartenait à la société Coty, pour obtenir réparation des agissements fautifs du distributeur non agréé – et de la prétendue publicité trompeuse de France Télévisions -, d’établir que son système de distribution sélective : soit (i) n’était pas contraire aux articles 101§1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, soit (ii) bénéficiait d’une exemption.

Saisie du dossier, la Cour d’appel de Paris avait ainsi mené un contrôle de proportionnalité des clauses du contrat de distribution sélective, dont notamment celle interdisant de manière générale et absolue aux distributeurs agréés de revendre les produits à des distributeurs non-agréés.

La Cour d’appel avait déclaré qu’une telle interdiction constitue « le fondement même de la distribution sélective en ce qu’elle protège l’image de marque […] peu important que cette interdiction de revendre à des distributeurs non agréés, soit indépendante du territoire sur lequel ils sont établis », et avait ainsi considéré que la clause était proportionnée au but poursuivi, et justifiée objectivement.

La Cour d’appel en concluait que l’interdiction en cause ne pouvait avoir d’effet anticoncurrentiel et relevait « au surplus » que la société Coty justifiait avoir mis en place le système sélectif « dans d’autres Etats membres, peu important qu’elle ne démontre pas que son système couvre tous les territoires de l’Union ».

La Cour de cassation a finalement approuvé les juges du fond d’avoir retenu que l’interdiction de revendre à des distributeurs non agréés, quel que soit leur territoire d’implantation, est licite.

La solution est favorable aux fournisseurs qui souhaitent se préserver des ventes hors réseaux, mais il est néanmoins permis de douter que la licéité d’une telle clause puisse être reconnue à titre général pour tout système de distribution sélective.

En effet, le Règlement d’exemption par catégorie du 10 mai 2022 (2022/720) est plus subtil puisqu’il déclare constituer une restriction caractérisée le fait de restreindre les ventes actives ou passives, sauf à ce qu’il s’agisse de restrictions de ventes à des distributeurs non agréés « sur le territoire sur lequel le système de distribution sélective est opéré » (article 4(c)(i)(2))[1].

Certes, une telle clause, faisant perdre le bénéfice de l’exemption, n’implique pas nécessairement que le réseau de distribution sélective est illicite[2]. Cependant, elle en constitue un indice important[3].

Surtout, il n’est pas à exclure que le contrôle de proportionnalité eut été différent si le système sélectif n’avait couvert qu’un faible nombre de territoires au sein de l’UE, et qu’une faible couverture puisse ne pas justifier l’interdiction de revente à des distributeurs non-agréés situés sur des territoires non-couverts par le système de distribution sélective.

L’arrêt reste évasif à cet égard en faisant mention seulement « d’autres Etats membres ».

En tout état de cause, l’arrêt de la cour d’appel est finalement cassé sur le volet relatif à la publicité trompeuse car la liberté d’expression de France Télévisions était bien en cause.

Il est ainsi reproché à la Cour d’appel de Paris d’avoir retenu que les messages avaient un caractère promotionnel, et non informatif, pour en conclure que France Télévisions avait commis une négligence l’exposant à condamnation, sans qu’il n’en résulte pour elle une atteinte à sa liberté d’expression.


[1] Pour rappel, le Règlement d’exemption par catégorie du 20 avril 2010 prévoyait dans le même sens que ne constituait pas une restriction caractérisée le fait de « restreindre les ventes par les membres d’un système de distribution sélective à des distributeurs non agréés, dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système » (article 4(b)(iii)).

[2] En ce sens : Cass, com., 16 mai 2018, 16-20.040.

[3] En règle générale, la Commission considère comme des restrictions par objet celles qui sont interdites dans les règlements d’exemption par catégorie ou sont définies comme étant des restrictions caractérisées (Commission, Lignes directrices concernant l’application de l’article 81§3, 27 avril 2004).

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