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CA Paris, Pôle 5 – Ch. 2, 18 janvier 2013, n° RG 12/01583

Artprice est une base de données relative au marché de l’art qui possède un fond documentaire de plusieurs millions d’œuvres d’art qu’elle exploite. Dans le cadre de son activité, elle a signé avec l’ADAGP une convention portant sur l’exploitation d’œuvres des arts visuels du répertoire de l’ADAGP.

Les œuvres de Pablo Picasso ne font pas partie du répertoire de l’ADAGP et sont gérées par ses ayants-droit ayant eux même désigné un administrateur de la succession, habilité à la représenter dans le cadre de la défense du droit moral et des droits patrimoniaux de Pablo Picasso.

La société Artprice ayant mis en ligne plusieurs reproductions des œuvres de Pablo Picasso, a été assignée par la succession du peintre devant le Tribunal de grande instance de Paris. Par jugement du 28 octobre 2011, le Tribunal a tranché en faveur des ayants-droit reconnaissant la contrefaçon au préjudice de la succession et ordonnant, à titre de réparation du préjudice subi, l’allocation d’une somme de 55.000 euros assortie d’une mesure d’interdiction visant la reproduction des œuvres.

Appel a été interjeté par l’administrateur de la succession, les sommes alloués étant bien inférieures à ses prétentions.

L’arrêt de la Cour évoque, notamment, la qualité à agir de l’administrateur de la succession Picasso ainsi que la recevabilité de l’action à défaut de preuve de la titularité des droits et enfin tranche la question de la contrefaçon et de l’ampleur des actes incriminés au vu des différents modes de divulgation des contenus et des supports de promotion de Artprice.

Le défaut de qualité à agir de Monsieur Claude Ruiz-Picasso est fondé sur le défaut de justification du mandat donné à ce dernier pour représenter la succession en justice. Au titre de l’indivision successorale, la Cour estime que dans l’intérêt commun des indivisaires, cette désignation n’a jamais fait l’objet d’une censure et que dans cette mesure, le mandat de gestion donné le 16 juin 1996 ne peut être valablement contesté.

S’agissant du défaut de preuve de la titularité des droits moraux et patrimoniaux des ayants-droit, la Cour fait siens les motifs du Tribunal qui avait relevé que l’indivision est titulaire du monopole de propriété artistique attachée à l’œuvre de Pablo Picasso.

S’agissant de la contrefaçon, les ayants-droit se fondaient sur les constats d’huissier versés au débat qualifiant les actes contrefaisants notamment par l’apparition, à travers l’utilisation du moteur de recherches « Personal Research » et sur requête du patronyme Pablo Picasso de nombreux résultats (22.707 que la Cour ne retiendra pas en intégralité) d’adjudication répertoriés en différents onglets intitulés « dessins/aquarelles, peinture, estampe, céramique, etc. » et sur les captures d’écran faisant apparaitre la signature de Pablo Picasso accompagnée, d’un copyright Artprice qualifiant en outre la contrefaçon de la marque Picasso, l’attribution et la création de nombreux logos et bandeaux téléchargeables titrés Pablo Picasso. Enfin, l’utilisation de la notoriété de Pablo Picasso ainsi que l’utilisation des œuvres et du nom de Pablo Picasso à des fins de supports publicitaires, notamment, en lien avec les termes suivants « Artprice Intelligence Links » ainsi que sur les services Artprice disponibles sur iPhone et sur Androïde de Google étaient également incriminées.

Artprice oppose l’exception de l’article 122-5 (9°) du Code de la Propriété intellectuelle relative à l’exception d’information immédiate.

Au cas d’espèce, cette exception par nature d’interprétation stricte ne résiste pas aux critères posés à l’utilisation par voie de presse et dans un but exclusif d’information immédiate, donc en relation directe avec cette dernière, des œuvres concernées. Artprice ne peut de plus se prévaloir de la qualification d’organe de presse ayant pour seul vocation d’informer le public en lui rendant compte de l’actualité immédiate. La Cour relève que l’utilisation des œuvres n’est ni exceptionnelle, ni incidente et encore moins liée à la seule actualité, ce qui prive Artprice de se prévaloir de l’exception susvisée.

Outre cet argument, la société Artprice faisait valoir que la communication aux abonnés de sa base, des évaluations d’œuvres d’art, relèverait du statut de correspondances privées. La Cour rappelle qu’agissant en qualité de prestataire d’un service contractuellement lié à un public particulier, le statut de correspondances privées ne peut être retenu, la reproduction par numérisation plaçant Artprice en situation d’offre permanente au public.

Sur les faits de contrefaçon incriminés, la Cour reprend dans ces motifs les constatations effectuées par huissier en revalorisant l’ampleur des actes sans les limiter comme l’avait fait le Tribunal à 55 œuvres.

L’utilisation des œuvres, du nom et de la notoriété de Pablo Picasso, à titre publicitaire, notamment dans de nombreux journaux est qualifiée de détournement de cette notoriété au bénéfice d’une société commerciale sans autorisation. Si les captures d’écran du site Artprice Images sont soumises à des réserves d’interprétation de la part de la Cour, selon la jurisprudence applicable à la preuve par constat d’huissier, elle estime que les signatures de Pablo Picasso telles que reproduites n’ont pas de date certaine, et que dès lors les conditions de fiabilité de la capture de ces pages, ne peuvent suffire à rapporter la preuve de la contrefaçon.

S’agissant enfin des nouveaux supports tels que iPhone et Androïd de Google, l’existence du propre site de Artprice ou encore de communiqués de presse sur le site Numérama constitue certes, de nouveaux supports d’exploitation, et donc passibles de constituer de nouveaux actes de contrefaçon mais la Cour relève que les documents produits ne sont que des annonces et que l’administration de la preuve des faits poursuivis n’est pas donc pas avérée.

Les mesures réparatrices chiffrées par la succession Picasso à 1 million d’euros au titre des droits patrimoniaux et à 500.000 euros au titre du droit moral sont ramenées à 300.000 euros et 30.000 euros pour chaque chef de préjudice, les mesures d’interdiction étant confirmées.

Armelle FOURLON

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