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CA Paris, Pôle 5 – Ch. 1, 25 janvier 2023, n° 21/05914

Si par hypothèse, s’agissant de photographies prises sur le vif, le photographe de concert ne semble se livrer qu’à une démonstration de son savoir-faire technique, certaines photographies peuvent être originales lorsque celui-ci procède à des choix arbitraires quant aux moments qu’il décide de capturer, à l’angle des prises de vues, au cadrage puis au recadrage des photographies conférant à celles-ci un caractère personnel et correspondant à ce que le photographe souhaite retranscrire en images du concert.

Un photographe professionnel a réalisé des portraits d’un artiste-interprète lors d’un concert. L’artiste-interprète a reproduit certaines des photographies à des fins d’illustration de ses phonogrammes (et notamment en couverture de son album) et de son site internet.

Le photographe a alors estimé que cette exploitation sans autorisation des œuvres photographiques était constitutive d’une violation de ses droits d’auteur et a enjoint à l’artiste-interprète de cesser immédiatement toute exploitation. En retour, l’artiste-interprète a fait valoir que les photographies lui auraient été données par ledit photographe et qu’en tout état de cause, ces photographies n’étaient pas protégeables, dès lors qu’elles n’étaient pas originales.  

En première instance, les juges ont retenu que les photographies étaient bien éligibles à la protection par le droit d’auteur, et que l’artiste-interprète a bien reproduit et exploité ces œuvres sans autorisation, caractérisant une violation dudit droit.

L’artiste-interprète à l’origine de l’exploitation des photographies a interjeté appel, soulignant que les photographies n’étaient pas originales en ce que celles-ci ont été prises sur le vif pendant des concerts, ce qui ne traduisait aucun choix esthétique arbitraire.

1) La nécessaire caractérisation de l’originalité

Selon l’article L. 112-2, 9° du Code de la propriété intellectuelle, sont considérées comme oeuvres de l’esprit les oeuvres photographiques. Le principe de la protection d’une telle œuvre tient alors au seul fait de la création d’une forme originale, sans formalité.

Néanmoins, la Cour rappelle que lorsque l’originalité d’une oeuvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur de caractériser l’originalité de l’oeuvre revendiquée, c’est à dire de justifier que cette oeuvre présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

C’est en l’espèce ce qu’a fait le photographe dans cette affaire, en décrivant précisément dans ses conclusions l’analyse de ce qui constitue pour lui l’originalité des photographies litigieuses, ce qu’a souligné la Cour d’appel.

2) La particularité de l’originalité des photographies de concert

Le second apport de cet arrêt réside dans les critères d’originalité de photographies de concert édictés par la Cour d’appel.

Dans un premier temps, la Cour d’appel a rappelé que lorsque les clichés sont pris sur le vif lors d’un concert, le photographe ne choisit ni le sujet, ni la posture ou l’expression du musicien, pas plus que les décors, les costumes ou la lumière. Ainsi, dans cette situation rien n’irait, à priori au-delà d’un savoir-faire technique quant à la sélection et au réglage des matériels (sensibilité des boîtiers, optiques à plus ou moins grande ouverture…).

Toutefois, il est apparu ici que le photographe a effectué des choix personnels reflétant un parti pris esthétique particulier, qui caractérisaient l’empreinte de sa personnalité. Celui-ci a en effet procédé à des choix arbitraires quant aux moments qu’il a décidé de capturer, à l’angle des prises de vues, au cadrage puis au recadrage des photographies correspondant à ce que le photographe souhaitait retranscrire en images du concert.

Ainsi concernant les photographies de concert, la Cour a retenu le travail de retouche en postproduction ainsi que les choix arbitraires du photographe lors de la prise de vue pour caractériser l’originalité, le photographe ne pouvant choisir la posture ou encore l’expression du musicien, qui se livre à son interprétation comme il le souhaite.

Cette position représente une ouverture dans la tendance jurisprudentielle en matière de photographies de concert, les juges refusant habituellement de leur accorder la protection fournie par le droit d’auteur (Cour d’appel, Colmar, 1re chambre civile, section A, 11 Mai 2020 – n° 18/00366)

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