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Le 2 février 2022, le Tribunal de commerce de Paris, statuant en référé, a rendu une ordonnance en matière de rupture brutale qu’il paraît intéressant de commenter.

Dans ce litige survenu dans le cadre des négociations commerciales en cours, un fournisseur, la société Jacobs Douwe Egbert (« JDE ») a annoncé son intention d’augmenter ses tarifs de manière significative, afin de répercuter l’augmentation des prix des matières premières qu’il subissait. Un distributeur, la société ITM Alimentaire International (« ITM »), a refusé cette augmentation tarifaire. Face à ce refus, JDE a suspendu les livraisons de ses produits.

Le distributeur a saisi le juge des référés pour lui demander d’ordonner la reprise des livraisons par JDE sous astreinte, ce aux dernières conditions en vigueur et jusqu’à la conclusion par les parties d’une nouvelle convention ou jusqu’à l’écoulement d’un préavis de dix-huit (18) mois. ITM demandait ainsi au juge des référés de se prononcer sur le bienfondé de la cessation des livraisons et de décider de remettre en cause cette décision.

L’ordonnance vise l’article 873 du code de procédure civile qui prévoit la possibilité pour le Président du Tribunal de commerce de « prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir d’un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » En outre, « dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut (…) ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

C’est sur ce fondement que le juge des référés, dans une décision avare d’explications, s’appuie. Rappelant que le contrat « est la loi des parties », le juge relève que la clause 9 dudit contrat stipule « (…) maintien des conditions en place à défaut de signature d’un nouveau contrat cadre à l’issue de l’année civile ou d’un accord de période transitoire ».

Le Tribunal enjoint ainsi au fournisseur de « reprendre les livraisons » pour une courte durée (jusqu’au 28 février) sous astreinte de 100 000 euros par jour de retard, ce « aux conditions tarifaires provisoires de la convention signée entre les parties », jusqu’à la conclusion du nouvel accord qui devra tenir « compte de la réalité du marché ». Se voulant pragmatique, le juge des référés impose donc aux parties de poursuivre leurs négociations en vue de parvenir à un accord tarifaire.

Au travers de cette décision, le juge des référés se fixe l’ambitieux programme de condamner les parties à s’entendre. Cette décision n’est pas exempte de contradictions en mettant en avant comme fondement le contrat signé entre les parties tout en refusant de tenir compte de la lettre de réserves invoquée par JDE, niant ainsi une pratique très largement répandue dans le cadre des négociations commerciales. Cette contestation implicite du rôle des lettres de réserves, le plus souvent non signées, qui permettent de rééquilibrer les négociations, révèle une vision abstraite des relations entre fournisseurs et distributeurs.

On constate cependant que le juge des référés ne se prononce pas et ne remet pas en cause le bienfondé d’une augmentation tarifaire justifiée par l’augmentation du coût des matières premières.

Christophe Pecnard

Johan Cluzel

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