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Révocation de dirigeant de société par actions simplifiée et procédure contradictoire de révocation.


Une jurisprudence constante reconnait le droit au dirigeant révoqué de présenter ses observations préalablement à la mesure de révocation envisagée. Ce principe du caractère contradictoire de la révocation concerne toutes les formes de sociétés et par conséquent, les sociétés par actions simplifiée (SAS) n’y échappent pas.

Le Code de commerce n’instaurant pas de procédure particulière pour la révocation de dirigeant de SAS, quelle procédure doit être mise en place pour respecter ce principe ?

Un arrêt de la Cour de Cassation[1] du 10 juillet 2012 semble admettre une procédure très peu formaliste.

Dans cette affaire, le Directeur général délégué de la société GRS Valtech SAS (M. Hubert X…), révoqué par une assemblée générale des associés de cette société, soutenait que sa révocation avait été décidée dans des conditions injurieuses et vexatoires parce qu’il n’avait pas été convoqué à cette assemblée générale pour y présenter sa défense.

Par un arrêt en date du 14 avril 2011, la Cour d’Appel de Lyon avait repoussé l’argument en retenant qu’un email envoyé la veille de cette assemblée générale par le Directeur général délégué au Président Directeur Général témoignait, « non seulement des divergences de vue existant entre lui et le Président mais également des critiques qu’il formule à l’encontre de la société dont il est le directeur général délégué » et que cet email exprimait « en des termes clairs et précis qui ne souffrent aucune interprétation et aucune ambigüité la volonté d’Hubert X… d’imposer à la société, son point de vue, pour continuer à exercer ces fonctions. »

La Cour d’Appel de Lyon en concluait que cette attitude « n’appelait pas d’autre réponse que la révocation du mandat », que la société ou ses organes n’avaient « aucune obligation de prendre la précaution d’ouvrir une discussion préalable à une telle décision face aux critiques et alternatives formulées » et par conséquent que la société n’avait ni commis un abus, ni agi de manière vexatoire et injurieuse.

La Cour de Cassation approuve l’arrêt de la Cour d’Appel de Lyon et rejette le recours formé par le Directeur général délégué contre cet arrêt. La Cour de Cassation relève en effet que compte tenu que celui-ci avait pu « exprimer spontanément ses points de désaccord et, par une démarche personnelle, exprimé des conditions à la continuation de ses fonctions » la société GRS Valtech SAS n’avaient pas l’obligation d’ouvrir une discussion préalable à la décision de révocation.

Cette position de la Cour de Cassation doit cependant être considérée avec prudence.

En premier lieu, les statuts d’une SAS peuvent avoir prévu une procédure de révocation : dans ce cas, il conviendra naturellement de la suivre et de s’assurer qu’elle permet au dirigeant dont la révocation est envisagée de s’exprimer sur cette mesure de révocation. A ce sujet, il faut noter que les statuts de GRS Valtech SAS n’établissaient pas de procédure de révocation mais se bornaient à stipuler que le Directeur général délégué était révocable à tout moment, sans que cette révocation n’ait à être motivée ni ne donne lieu au versement d’indemnités.

En second lieu, les échanges avec le dirigeant révoqué qui auront pu précéder la décision de révocation pourront être jugé insuffisants pour établir le caractère contradictoire de la révocation.

Cette prudence s’impose enfin en raison des sanctions applicables en cas d’absence de procédure contradictoire de révocation : les associés d’une société et la société elle-même s’exposent en effet à être condamnés à verser des dommages-intérêts au dirigeant révoqué sur le fondement de l’abus de droit ou si la révocation intervient de façon brutale et/ou vexatoires[2].

Laurent THOMAS



[1] Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt n° n°11-23280 du 10 juillet 2012, M. X c/ SAS GRS Valtech.

[2] Exemples tirés de la jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris :

condamnation d’un actionnaire majoritaire de la société Loris Azzaro à verser à 100 000 € à un administrateur révoqué (arrêt n°01-19901 du 2 juillet 2002, Patrimonio c/ Azzaro). Cette condamnation est fondée sur un abus de majorité.

approbation du jugement du Tribunal de commerce de Paris condamnant la société Foncia Paris et son associé unique à verser une indemnité de 120 000 € à son Président (arrêt n°05-12090 du 4 avril 2006, SAS Foncia Paris c/ Limet). Cette condamnation est fondée sur les conditions brutales, intempestives et vexatoires de la révocation et sur l’abus du droit de révocation exercé sans respect du principe de la contraction préalable à la révocation. Cet arrêt a été ensuite annulé par la Cour de Cassation mais seulement en ce que cette indemnité de 120 000 € avait été fixée forfaitairement (Cour de Cassation, arrêt n° 06-16264 du 23 octobre 2007).

condamnation de la société Equity Conseil et son associé majoritaire à verser 150 000 € à son Président (arrêt n° 05-23871 du 13 octobre 2006, SAS Equity Conseil c/ Balva). Cette condamnation est fondée d’une part sur le fait que le Président révoqué avait été privé du droit de présenter ses observations et d’autre part sur les conditions de fait de sa révocation (notamment : appel de la police pour expulser le Président des locaux de la société et dénigrement du Président auprès du personnel).

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