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Un employeur peut-il demander le remboursement partiel d’une prime d’arrivée, prévue par le contrat de travail, en cas de démission anticipée d’un salarié ? La Cour de cassation répond par l’affirmative dans une décision publiée au bulletin du 11 mai 2023 (Cass. soc., 11 mai 2023, 21-25136).

Dans cette affaire, un salarié avait été embauché le 1er janvier 2016 en qualité d’opérateur sur les marchés financiers avant de démissionner de son poste le 16 mars 2017,soit 14 mois après son recrutement.

Quelle était la difficulté à la suite de sa démission ? Son contrat de travail prévoyait une clause stipulant :

  • qu’il recevrait une prime d’arrivée de 150.000 € dans les 30 jours suivant son entrée en fonction ; c’est ce qu’on appelle une clause « golden hello » ou « welcome bonus » ou encore « de bienvenue » ;
  • qu’en cas de démission dans les 36 mois suivant son entrée en fonction, le salarié était tenu au remboursement d’une partie de cette prime, au prorata du temps non travaillé durant cette période .

Considérant qu’une telle clause portait atteinte à sa liberté du travail, le salarié refusait de procéder audit remboursement. La société a donc décidé de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir son dû. L’employeur arguait notamment que cette prime était indépendante de la rémunération de l’activité du salarié et avait pour seul but de fidéliser ses collaborateurs sur une durée déterminée, ce faisant aucune atteinte à la liberté de travailler du salarié ne pouvait être caractérisée.

Le conseil de prud’hommes avait fait droit à l’employeur et condamné le salarié à rembourser le trop-perçu prorata temporis. La cour d’appel avait au contraire estimé que cette clause était préjudiciable à la liberté du travail du salarié en fixant notamment un coût à la démission et infirmé le jugement de première instance. L’arrêt d’appel s’inscrivait  dans le sillage jurisprudentiel posant le principe selon lequel un employeur « ne pouvait, sans porter atteinte à la liberté de travail [d’un salarié], subordonner le maintien du droit à la prime de fin d’année à la condition de la présence de [celui-ci]… dans l’entreprise au 30 juin de l’année suivant son versement et déduire le montant de la prime du solde de tout compte [du salarié] qui avait démissionné avant cette date, sauf à pratiquer une sanction pécuniaire illicite » (Cass. soc., 18 avril 2000, 97-44235).

Pourtant dans la décision commentée, la Cour de cassation casse et annule, sans renvoi, la décision des juges du fond en jugeant « qu’une clause convenue entre les parties, dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue. »

Ainsi, la clause subordonnant l’octroi de l’intégralité d’une prime d’arrivée à une condition de présence ne porte pas atteinte à la liberté de travailler du salarié – constitutionnellement garantie par le préambule de 1946 – dès lors qu’elle ne constitue pas une rémunération versée en contrepartie du travail fourni par le salarié. En l’espèce, l’employeur a ainsi été jugé légitime à récupérer 76.166,67 € à titre de remboursement de prime d’arrivée au prorata conformément à la décision du conseil de prud’hommes. En revanche, la solution aurait été différente si la prime litigieuse avait été dépendante de la rémunération de l’activité du salarié ou si le salarié avait travaillé toute la période prévue par la clause (Cass. soc., 8 juillet 2020, 18-21945, §6.; Cass. soc., 6 juillet 2022, 21-12242, §6. : la Cour de cassation juge de manière constante que « si l’ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement. »).

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