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L’Autorité de la concurrence a invité les acteurs du marché de l’audiovisuel à présenter leurs observations sur les mesures qui pourraient être adoptées pour remédier aux atteintes à la concurrence susceptibles de résulter de l’opération de fusion entre CanalSat et TPS.

En 2006, le gouvernement français avait autorisé, après avis rendu à l’époque par le Conseil de la concurrence, la création de la société Canal+ France dont l’activité était destinée à regrouper les deux principaux bouquets de chaînes de télévision payante par satellite, TPS et Canalsatellite.
Compte tenu de l’importance de l’opération susceptible d’affecter les équilibres économiques du marché français de l’audiovisuel et plus particulièrement de la distribution de la télévision payante, l’autorisation délivrée était subordonnée à la mise en œuvre de 59 engagements afin de prévenir les risques d’atteinte à la concurrence.

Les principaux engagements consistaient à décloisonner les conditions d’accès aux contenus attractifs notamment :
(i) En facilitant l’acquisition des droits cinématographiques et sportifs par les  concurrents du Groupe Canal Plus afin qu’ils puissent alimenter leurs propres chaînes ;
(ii) En obligeant le Groupe Canal Plus à mettre sept de ses chaînes proposées dans le bouquet aux distributeurs concurrents (TPS Star, Cinéstar, Cinéculte, Cinétoile, Sport +, Piwi, Télétoon);
(iii) En garantissant que les négociations concernant la distribution de chaînes indépendantes sur son bouquet s’effectuent de manière objective et transparente de nature à préserver leur autonomie.

Néanmoins, en raison du nombre d’engagements essentiels non respectés par le Groupe Canal Plus, l’Autorité de la concurrence a retiré l’autorisation validant l’opération de rapprochement, par une décision du 21 septembre 2011. L’Autorité a notamment sanctionné « un manque de diligence et le mauvais vouloir répété de Canal Plus ».  Il était en particulier reproché au Groupe Canal Plus de tarder à mettre à disposition des distributeurs tiers les 7 chaînes qu’il devait dégrouper tout en ayant concouru à la dégradation de leurs qualités éditoriales (ayant notamment entraîné l’arrêt de la diffusion de TPS Star en avril 2012) et d’avoir entretenu des relations opaques et discriminatoires avec plusieurs chaînes indépendantes.

Les manquements constatés étaient donc susceptibles « de faire échec aux objectifs poursuivis par la décision d’autorisation à savoir le rétablissement et le maintien d’une concurrence suffisante sur le marché de la télévisions payante ».

Sur ce constat, en sus du retrait de l’autorisation, le Groupe Canal Plus a été condamné au paiement d’une amende de 30 millions d’euros (cette décision ayant été contestée devant le Conseil d’Etat), tout en conservant la possibilité de notifier à nouveau l’opération de fusion, dans un délai d’un mois, pour obtenir une nouvelle autorisation.

Tout en formant un recours contre cette décision, Vivendi et Canal Plus ont déposé leur nouveau dossier finalisé de demande d’autorisation et une procédure d’examen approfondie a été introduite par l’Autorité de la Concurrence. Dans ce cadre, leurs services d’instruction ont publié le 25 mai 2012 une consultation et invité les tiers intéressés à présenter leurs observations écrites sur les mesures correctives proposées pour remédier aux atteintes à la concurrence.

Tout en privilégiant l’objectif de l’équilibre du marché de la télévision payante, l’Autorité de la Concurrence reste néanmoins soucieuse des conséquences que ces mesures seraient susceptibles d’entraîner sur les secteurs connexes à l’opération tels que la production cinématographique. En effet, dans la mesure où la fusion a conféré au groupe Canal Plus un rôle primordial dans le financement du cinéma français, toute mesure visant à remettre en cause son modèle d’organisation économique risque d’impacter de façon significative ses investissements dans la production de films. Cette spécificité pourrait expliquer la démarche assez inhabituelle de l’Autorité ayant consisté à rendre publics des « remèdes envisagés » soumis à la consultation de tiers.

Ces remèdes ont pour principaux objectifs, d’une part, (i) de préserver le secteur de l’édition de chaînes de cinéma indépendantes en leur assurant un accès aux contenus et à la distribution suffisants et, d’autre part, (ii) de créer un marché de chaînes payantes suffisamment riches et pérennes.

Pour atteindre ces objectifs l’Autorité de la Concurrence suggère la mise en place d’obligations limitant la préemption des droits d’acquisition par le Groupe Canal Plus et favorisant la circulation des contenus cinématographiques et sportifs.

Ces propositions porteraient notamment sur :
– la limitation du nombre de studios américains avec lesquels Canal Plus peut conclure des contrats-cadres et de leur durée (durée de 3 ans sans renouvellement),
– l’interdiction de conclure des contrats-cadre avec les producteurs français pour leurs catalogues,
– l’interdiction du couplage de l’acquisition des droits de diffusion en VOD et en mode linéaire au bénéfice des chaînes du Groupe,
– l’interdiction de l’acquisition des droits VOD en exclusivité,
– la limitation de la durée des contrats d’acquisition des droits de diffusion pour les matches de football de la Ligue 1, la Ligue des Champions et les championnats étrangers attractifs,
– l’interdiction pour Canal Plus de soumettre une offre groupée pour l’acquisition des droits de diffusion des matches en clair et en payant en cas de propositions commerciales distinctes.

Par ailleurs, les mesures correctives envisagent d’étendre l’obligation de dégroupage à certaines chaînes éditées par Canal+ et identifiées par sa marque « + » (Ciné+Premier, Ciné+Frissons, Ciné+Emotion, etc.) de façon à ce que le Groupe ne puisse dégrader la qualité de programmation de ces chaînes sans porter atteinte à son image et sa renommée.

Concernant la distribution des chaînes thématiques, l’Autorité de la concurrence suggère notamment la distribution d’une proportion minimale de chaînes indépendantes, la fixation d’une valeur plancher pour leur rémunération, l’interruption de la distribution exclusive de certains chaînes sur CanalSat.

Enfin, s’agissant du marché de la VOD, il est intéressant de noter qu’une mesure prévoit que Canal Plus ait l’obligation de céder les droits d’exploitation VOD des films étrangers et français du catalogue StudioCanal à tout service de VOD qui en fera la demande, sur une base non-exclusive, dans des conditions de marché normales, transparentes et non discriminatoires.

Reste à savoir si les différentes mesures correctives préconisées seront considérées par l’Autorité comme suffisamment efficaces, précises et rapides à mettre en œuvre pour permettre le maintien d’une concurrence réelle sur le marché de l’édition et de la commercialisation des chaînes payantes.

La date limite de présentation des observations était fixée au 6 juin.  A l’appui de ces différents avis (non publics) et du dossier déposé par Vivendi et Canal Plus, les membres de l’Autorité de la concurrence doivent se réunir en session plénière pour  délibérer. La décision devrait être rendue publique le 4 Juillet.

Sabine DELOGES

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