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La chambre sociale de la Cour de cassation a publié une nouvelle décision en matière d’application du délai de prescription de droit commun dans le cadre de l’action en requalification du contrat de travail à durée déterminée (Cass. soc., 15 mars 2023, 20-21774).

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé le 27 juin 2008 sans qu’aucun contrat ne soit signé. Le 10 juillet 2008, un CDD avait été signé puis exécuté du 26 août 2008 au 30 juin 2009. Souhaitant voir son CDD signé le 10 juillet 2008 requalifié en CDI à compter du 27 juin précédent, le salarié avait saisi la juridiction prud’hommale le 17 février 2014.

Depuis la loi du 14 juin 2013, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans (L. n° 2013-504, 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi, art. 21). Néanmoins, la loi applicable aux faits de l’espèce était celle antérieure du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, réduisant, à l’époque, la prescription à 5 ans (L. n° 2008-561, 17 juin 2008 : JO 18 juin 2008).

Mais la difficulté en l’espèce n’était pas tant de déterminer la durée de la prescription que d’en fixer le point de départ.

Le salarié soutenait qu’ayant été embauché à compter du 27 juin 2008 sans contrat écrit mentionnant le motif et le terme du CDD, son action en requalification était fondée sur le motif du recours au CDD, et le délai de prescription ne commençait donc à courir qu’au terme du contrat, soit le 30 juin 2009.  Ayant saisi la juridiction moins de 5 ans après, le 17 février 2014, le salarié plaidait que son action n’était pas prescrite.

Pour rappel, le premier alinéa de l’article L1417-1 du code du travail prévoit que le délai de prescription court à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. A partir de cette règle, la Cour de cassation a construit une jurisprudence en la matière faisant varier le point de départ du délai de prescription de l’action en requalification du CDD en CDI en fonction du fondement de l’action.

Comme la Cour de cassation le rappelle de façon pédagogique dans l’arrêt commenté (voir § 9 de la décision), le délai de prescription court à compter :

1. soit de la conclusion du contrat, lorsque l’action en requalification est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification (Ex : Cass. soc., 23 nov. 2022, 21-13059 : absence du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé) ;

2. soit du terme du contrat ou du terme du dernier contrat en cas de succession de CDD, lorsque l’action est fondée sur le motif de recours au CDD (Cass. soc., 29 janv. 2020, 18-15359).

Cependant, dans ces deux cas, un contrat a été formalisé. En revanche, la Cour de cassation n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur le point de départ de la prescription dans l’hypothèse d’un employeur qui omettrait d’établir un contrat écrit. Par la décision ici commentée, la Cour de cassation, approuvant la décision de la cour d’appel, juge que :

3. « le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail. »

Il convient donc de distinguer selon les trois situations.

En l’espèce, le premier contrat, ayant débuté sans écrit le 27 juin 2008, l’employeur avait jusqu’au 29 suivant pour transmettre le contrat au salarié (art. L1242-13 c. trav.). Sur la base d’une prescription, en l’occurrence, quinquennale (devenue biennale depuis), le salarié avait donc jusqu’au 29 juin 2013 pour agir. Par ailleurs, s’agissant d’une éventuelle absence de mention au CDD signé le 10 juillet 2008, la prescription était acquise au plus tard le 10 juillet 2013. La demande en requalification du CDD en CDI était ainsi, en toute hypothèse, prescrite au jour de l’action du salarié, le 17 février 2014.

Quelques mois plus tard, la Cour de cassation  a confirmé, dans une décision à nouveau publiée, que lorsque l’action était fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, le délai de prescription courrait « à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail » (Cass. soc., 11 mai 2023, 20-21774, § 8). A cette occasion, elle a distingué cette hypothèse d’absence d’écrit du contrat, de celle de la signature du salarié non authentifiée pour laquelle le point de départ du délai est fixé à la date de conclusion du contrat s’agissant d’une irrégularité de forme du contrat et non d’absence d’écrit (Cass. soc., 11 mai 2023, 20-21774). Il convient donc de déterminer le mode de prescription à appliquer en fonction des circonstances.

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