Nous revenons sur une décision, publiée, rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 21 mai 2025 (24-10009), qui précise le point de départ du délai de prescription en cas de contestation du licenciement.
Un salarié avait été licencié pour faute grave par lettre de licenciement envoyée le 9 août 2019 et réceptionnée par le salarié le 10 août 2019. Contestant son licenciement, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale le 10 août 2020 de demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
La cour d’appel jugea irrecevable car prescrite l’action du salarié en contestation de la rupture de son contrat de travail. Elle retint la date du 9 août 2019 – date de l’expédition par l’employeur de la lettre de licenciement – comme date de notification de la rupture et jugea que le salarié avait jusqu’au 8 août 2020 à minuit pour saisir le conseil de prud’hommes.
Ce faisant, la cour d’appel (i) prit pour point de départ du délai de prescription de l’action en contestation du licenciement la date de l’expédition de la lettre de licenciement et non la date de sa réception par le salarié, et (ii) inclua le jour pendant lequel se produisit l’évènement (i.e. jour de l’expédition de la lettre de licenciement en l’occurrence) dans le délai de prescription.
Saisie d’un pourvoi de la salariée, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle d’abord les règles suivantes :
- lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception (art. L1232-6 al. 1 c. trav.) ;
- toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter « de la notification de la rupture » (art. L1471-1 al. 2) ;
- la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition, et, à l’égard de celui à qui elle est faite, « la date de réception » de la lettre (art. 668 du CPC et art. 2228 et 2229 c. civ.).
Elle déduit de ces articles que (§10) :
« le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture. ».
Et que (§11) :
« le jour pendant lequel se produit un événement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai. La prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. ».
Elle juge en conséquence que la lettre de licenciement ayant été « réceptionnée par le salarié le 10 août 2019 », « le délai de prescription avait commencé à courir le 11 août 2019 à 0 heure pour s’achever le 10 août 2020 à minuit, de sorte que l’action en contestation introduite le 10 août 2020 n’était pas prescrite » (§14).
Par cette décision, la Cour de cassation procède à une stricte application des textes. En effet, l’alinéa 2 de l’article L1471-1 du code du travail dispose que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois « à compter de la notification de la rupture ». Ainsi, le point de départ de ce délai correspond nécessairement à la réception et non à l’expédition (ni même à la première présentation, si à cette occasion le salarié ne la reçoit pas effectivement) par le salarié de la lettre de licenciement.
Ce point de départ diffère de ceux du préavis ou de la convocation à entretien préalable :
- pour le préavis, l’article L1234-3 du code du travail précise que « la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié fixe le point de départ du préavis ». La chambre sociale de la Cour de cassation précise que cette date correspond à celle de la première présentation de cette lettre par les services postaux au salarié – même si le salarié ne la retire pas – qui marque le début du préavis (Cass. soc., 7 nov. 2006, 05-42-323) ;
- pour le délai de cinq jours entre la convocation à l’entretien préalable et la date de celui-ci, l’article L1232-2 du code du travail dispose que « L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ».
En d’autres termes, lorsque le législateur souhaite faire courir un délai à la date de simple (première) présentation d’un courrier, il le précise. Dans les autres cas, lorsqu’il dispose qu’un délai court à la date de « notification », cela équivaut à la date de « réception » effective du courrier.
Ainsi, il convient de distinguer :
- lorsque l’employeur envoie la lettre de licenciement, le contrat de travail est rompu à la date d’envoi (jurisprudence constante) ;
- lorsque la lettre de licenciement est présentée une première fois au domicile du salarié mais que ce dernier n’est pas présent pour la réceptionner, le préavis commence cependant à courir (art. L1234-3 c. trav.) ;
- lorsque la lettre de licenciement est effectivement réceptionnée par le salarié, le délai de prescription de 12 mois pour contester la rupture (art. L1471-1 c. trav.) commence à courir.
Il conviendra de suivre l’évolution de la jurisprudence en espérant que le principe ici dégagé n’aura pas pour conséquence qu’un salarié qui n’irait volontairement pas récupérer à La Poste sa lettre de licenciement envoyée par LRAR ne pourrait jamais se voir opposer le délai de prescription de 12 mois.