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CA Paris, Pôle 5 Ch. 2, 12 mai 2023, n° 21/16270

Par une décision en date du 12 Mai 2023, la Cour d’appel de Paris a jugé que se prendre en photo avec son chien dans un ascenseur n’était pas protégeable par les principes du droit d’auteur et ne permettait pas d’agir sur le terrain de la concurrence déloyale et du parasitisme.  

Le litige opposait une influenceuse à une société de prêt à porter. L’influenceuse reprochait à la société d’avoir lancé une campagne publicitaire en reprenant les visuels publiés sur son blog, sur lequel elle diffuse notamment des « selfies » avec son chien réalisés dans un ascenseur lui permettant de montrer ses tenues.

Celle-ci a assigné la société de prêt à porter en contrefaçon de droits d’auteur ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitisme.

En première instance, le tribunal a rejeté les demandes sur le droit d’auteur mais a retenu le parasitisme. En appel, la Cour a confirmé le jugement rendu en première instance en ce que le « selfie » en question ne saurait bénéficier de la protection du droit d’auteur, et a retenu l’absence d’actes de concurrence déloyale, mais également de parasitisme.

  • Sur l’absence de protection par le droit d’auteur du « selfie »

L’auteur d’une œuvre de l’esprit, y compris les œuvres photographiques, jouit sur celles-ci du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Toutefois, pour être protégeable par le droit d’auteur, le cliché se doit d’être original.

Dans cette affaire, pour l’influenceuse, son cadrage en format vertical, la présence de son téléphone portable dans une main et son chien dans une autre ainsi que le fait de se photographier dans une cage d’ascenseur éclairée par une lumière artificielle avec son téléphone démontrait l’originalité de la photographie réalisée.

Face à ces arguments, la Cour d’appel a estimé en premier lieu que l’influenceuse n’a pas apporté la preuve de l’originalité de son « selfie » en ce que celle-ci ne faisait qu’une description de celui-ci, sans expliciter les raisons qui l’avaient conduite à faire ces choix esthétiques.

De façon plus générale et en application du principe selon lequel les idées sont de libre parcours,

la Cour a considéré, pour appuyer le manque d’originalité de la photographie revendiquée, que le « selfie » constitue un rituel quotidien sans mise en scène particulière.

Pour la Cour, les choix revendiqués par l’influenceuse (l’astuce du « selfie » dans un miroir d’ascenseur, l’utilisation d’un téléphone portable, ou encore le format vertical pour une photographie de plein pied), sont des choix déjà retenus par de nombreux influenceurs avant elle, et sont des impératifs techniques d’ailleurs dictés par la technique même dudit « selfie ».

Ainsi, si l’influenceuse avait l’habitude de ce type de photographie, elle ne pouvait s’approprier le concept.

En conséquence, la Cour a décidé que le « selfie » litigieux ne pouvait pas bénéficier de la protection du droit d’auteur faute d’originalité.

  • Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

Le parasitisme, forme de concurrence déloyale, est un comportement fautif consistant à se placer dans le sillage d’un agent économique pour récupérer, à bon compte et sans son consentement, les fruits des efforts que ce dernier a pu déployer antérieurement.

A ce titre, la Cour d’appel a considéré que la notoriété de l’influenceuse, base de l’action en parasitisme et plus généralement en concurrence déloyale, était très limitée (celle-ci étant considéré comme une « micro-influenceuse ») et que la reprise des éléments précédemment listés du « selfie » dans le cliché critiqué de la publicité ne caractérisait pas un comportement déloyal, la société ne faisant que s’inscrire dans la tendance du moment.

De plus, par un simple « selfie », l’influenceuse ne démontrait pas avoir effectué des investissements liés à son cliché qui feraient que celui-ci présente une valeur économique individualisée dans le sillage de laquelle la société se serait placée afin d’en tirer profit.

Ainsi, la Cour d’appel a infirmé le jugement du tribunal judiciaire en ce qu’il avait accordé à l’influenceusedes réparations au titre du parasitisme et a retenu l’absence d’actes de concurrence déloyale.

Cette affaire est une illustration de la complexité de démontrer l’originalité des photographies d’influence publiées sur internet de type « selfie », d’autant plus lorsqu’il s’agit de mises en scène fréquentes sur les réseaux sociaux.

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