Dans un arrêt du 3 juillet 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur le régime de prescription applicable aux actions engagées par les artistes-interprètes portant sur la revendication de créances nées d’atteintes à leurs droits sur leurs interprétations.
Le demandeur avait participé à l’enregistrement, en tant que chanteur soliste, de la chanson « Just because of you », musique du film « Les Bronzés font du ski ». A ce titre, il n’avait reçu aucune rémunération en dehors du cachet portant sur l’enregistrement de sa prestation. Considérant que le droit à rémunération auquel il pouvait prétendre en qualité d’artiste-interprète avait été violé, il a assigné le producteur, en reconnaissance et indemnisation de ses droits d’artiste-interprète méconnus.
Dans une décision du 29 septembre 2010, la 15ème chambre de la Cour d’appel de Versailles avait considéré que, contrairement à ce qu’affirmait le producteur, le fait de signer une feuille de présence Spedidam ne conférait pas de manière automatique la qualité de musicien d’ensemble. En effet, la signature de cette feuille ne s’oppose pas à ce que la personne concernée bénéficie de la qualité d’artiste-interprète, la Cour considérant que cette signature a pour unique conséquence la préservation de ses droits de propriété intellectuelle.
De plus, la Cour avait considéré que la signature de la feuille de présence n’impliquait pas d’autorisation automatique pour la fixation et l’exploitation de l’interprétation puisque, en application de l’article L212-3 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), la signature d’un contrat de travail par un artiste-interprète n’emporte pas cession de ses droits de propriété intellectuelle sur son interprétation. Dès lors, l’autorisation de l’artiste-interprète doit être demandée pour chaque nouvelle utilisation, ce qui n’avait pas été fait en l’espèce.
Or, l’article L211-4 du CPI prévoit que les artistes-interprètes sont titulaires des droits patrimoniaux sur leur interprétation pendant 50 ans à compter du 1er janvier de l’année suivant celle de l’interprétation, soit le 1er janvier 1980 en l’espèce. L’article L212-1 du CPI, quant à lui, prévoit que le droit moral de l’artiste-interprète sur son interprétation est inaliénable et imprescriptible.
En application des articles précités, la Cour d’appel de Versailles avait estimé que l’interprète devait donc être indemnisé pour les atteintes portées à ses droits.
Le producteur a formé un pourvoi en cassation en soutenant que l’action de l’artiste était prescrite. En effet, Il soutenait que le régime de prescription applicable à l’action de l’artiste est celui des articles 2270-1 du Code Civil et L110-4 du Code de Commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008.
La première chambre civile de la Cour de cassation a accueilli les moyens formés par le producteur et a donc cassé l’arrêt d’appel, mais sans remettre en cause la qualité de l »artiste-interprète et son droit à rémunération.
En effet, tout en rappelant que les droits patrimoniaux des artistes interprètes sont d’une durée de 50 ans et que les droits moraux sont imprescriptibles, la Cour retient que toutes les actions en paiement de créances nées de ces droits sont, pour leur part, soumises au régime de prescription de droit commun prévu par les articles 2270-1 du Code Civil et L110-4 du Code de Commerce alors en vigueur.
Cette décision réduit la possibilité pour les artistes interprètes de faire valoir leurs droits, les actions en découlant étant soumises au régime de prescription de droit commun qui est aujourd’hui de 5 ans.
Cette décision ne porte que sur les droits des artistes interprètes. L’on peut toutefois supposer que les principes dégagés s’appliqueraient de la même manière aux droits des producteurs mais également aux droits d’auteur.
Adélie THEVENOT
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