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Le Sénat a adopté le 11 octobre dernier le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

La petite loi (i.e. texte provisoire en attente de sa promulgation) consacre la très attendue confidentialité des consultations de juriste d’entreprise. Ces actes seraient ainsi protégés au titre du « legal privilege », dans les conditions précisées ci-après.

Quelles seront les conditions pour que le legal privilege s’applique à ces consultations ?

  • Le juriste d’entreprise ou le membre de son équipe placé sous son autorité, est titulaire d’un master en droit ou diplôme équivalent ;
  • Le juriste d’entreprise justifie du suivi de formation initiale et continue en déontologie ;
  • Ces consultations sont destinées exclusivement à une liste limitative de personnes destinataires des consultations telles que le représentant légal, le délégataire de l’entreprise qui l’emploie etc…
  • Ces consultations portent la mention « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise » et font l’objet, à ce titre, d’une identification et d’une traçabilité particulières dans les dossiers de l’entreprise et, le cas échéant, dans les dossiers de l’entreprise membre du groupe qui est destinataire desdites consultations.

Quel est le champ d’application de la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise ?

  • Ces consultations ne pourront faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers, dans le cadre d’une procédure ou d’un litige en matière civile, commerciale ou administrative, y compris à une autorité administrative française ou étrangère ; 
  • Ces documents couverts par la confidentialité ne peuvent donc être opposés à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou aux entreprises du groupe auquel elle appartient ;
  • La confidentialité des consultations ne sera toutefois pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale ;
  • Un doute subsiste quant à son opposabilité au droit de la concurrence :  

En effet, Stanislas Martin, rapporteur général à l’Autorité de la concurrence (ADLC), a indiqué dans une tribune que l’application de la confidentialité aux consultations des juristes d’entreprise ne pourra être opposée (notamment) à l’ADLC.

Selon lui, cette disposition du projet de loi conduirait à méconnaître la portée du droit de l’Union européenne qui ne reconnait que la protection de la correspondance avocat/client dès lors que l’avocat n’est pas lié au client par un rapport d’emploi.

Toutefois, à la lecture du projet de loi, le droit de la concurrence n’est clairement pas prévu comme une exception contrairement à la matière fiscale et pénale. Ainsi, dans le cadre d’une approche littérale du texte, il semble que l’opposabilité des consultations des juristes d’entreprise s’impose bien à l’ADLC, notamment par la procédure de contestation de la confidentialité alléguée de ces documents décrite ci-dessous.

La confidentialité des consultations des juristes d’entreprise peut-elle être remise en cause ?

Oui, c’est le cas. La procédure de contestation différera selon la juridiction saisie, comme suit :

  • Dans le cadre d’un litige civil ou commercial, le président de la juridiction qui a ordonné une mesure d’instruction, peut être saisi en référé par voie d’assignation dans un délai de 15 jours à compter de la mise en œuvre de ladite mesure pour contester la confidentialité alléguée de certains documents ;
  • Dans le cadre d’une procédure administrative, le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une opération de visite, peut être saisi par requête motivée de l’autorité administrative ayant conduit à cette opération, dans un délai de 15 jours, aux fins de : 
    • contester la confidentialité alléguée de certains documents ;
    • ordonner la levée de la confidentialité de certains documents dans l’hypothèse où ces documents auraient eu pour finalité d’inciter ou de faciliter la commission de manquements passibles d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée.
  • Il sera néanmoins possible de faire appel de la décision rendue dans ce cadre, par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise, par celle qui est membre du groupe destinataire de la consultation juridique ou encore par l’autorité administrative concernée.  

Quelle est la sanction d’un usage frauduleux de la confidentialité ?

  • Le juriste d’entreprise s’expose à une peine d’emprisonnement de trois ans et à 45 000 euros d’amende. Les juristes d’entreprise devront donc faire preuve d’une grande vigilance dans l’usage de cette nouvelle prérogative.

Les modalités, notamment les conditions dans lesquelles l’entreprise assurera l’intégrité de ces documents, doivent encore être fixées par un décret en Conseil d’Etat.

En outre, il convient de noter que plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel de ce projet de loi, qui doit encore être validé par ce dernier. 

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