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CA Paris, Pôle 5, Ch. 1, 10 Septembre 2019

Le 10 septembre 2019, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée au sujet du film à long métrage « Les Têtes de l’emploi » développé sur la base du projet d’un comédien et humoriste français consistant à traiter les sujets de la crise et du chômage au travers d’une comédie sociale sur fond d’humour noir.

En l’espèce, ce litige s’inscrit dans le cadre de l’exécution du contrat de production audiovisuelle « Scénariste / Adaptation / Dialogue » par lequel l’humoriste avait cédé les droits d’exploitation  du scénario à la société de production.

Un contrat identique avait été signé le même jour avec les deux autres coauteurs du scénario.

Afin de perfectionner le scénario initial, le producteur avait ensuite fait appel à deux script doctors (spécialistes chargés d’analyser les forces et les faiblesses d’un scénario) qui avaient travaillé en collaboration avec l’humoriste coauteur sur la réécriture du scénario.

Ce même coauteur a ensuite exprimé son profond désaccord quant à la nouvelle version du scénario issue du travail de deux nouveaux auteurs réalisateurs. Il a refusé d’associer son nom d’humoriste à cette version qui selon lui s’éloignait trop de son projet initial.

En première instance, le Tribunal a débouté le coauteur tant sur sa demande en constatation d’acquisition de la clause résolutoire du contrat de production audiovisuelle que sur la résiliation dudit contrat pour manquements contractuels.

En appel, la Cour n’a fait droit, ni à ses demandes tendant à la condamnation du producteur pour déloyauté et manquements contractuels, ni à celles invoquant une atteinte à son droit moral sur le scénario.

Concernant le dernier point, la Cour rappelle au visa de l’article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle que « le co-auteur de l’œuvre de collaboration peut agir pour la défense de son droit moral à la condition que sa contribution puisse être individualisée ; dans le cas contraire, il doit, à peine d’irrecevabilité, mettre en cause les autres coauteurs de l’œuvre ou de la partie de l’œuvre à laquelle il a contribué. »

Or, en l’espèce, la contribution à l’écriture du scénario par l’humoriste co-auteur ne pouvait être individualisée et les autres co-auteurs du scénario n’étaient pas présents en la cause (alors que cette condition de mise en cause préalable des autres auteurs n’est pas limitée à l’action en contrefaçon).

Sur le terrain contractuel, l’humoriste coauteur avait expressément accepté l’intervention des auteurs réalisateurs pour la dernière version du scénario et s’était désinvesti à compter de sa réception.

Ainsi, selon la Cour, il n’était pas en mesure de soutenir que les changements intervenus avaient affecté l’esprit ou le caractère de l’œuvre de collaboration.

Par ailleurs, la Cour a relevé que les stipulations du contrat de production audiovisuelle ne lui reconnaissaient pas une primauté sur les autres auteurs dans l’écriture du scénario. Sa position d’initiateur du projet ajoutée à sa notoriété ne lui permettait pas de bénéficier d’un droit de véto présumé.

Enfin, le producteur entendait poursuivre la collaboration avec les auteurs initiaux et la Cour retient qu’il n’a pas eu un comportement déloyal ou de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

Ainsi, le coauteur à l’initiative du projet ne peut ni interdire au producteur de passer outre son refus, ni lui reprocher d’avoir adapté les dialogues sans son avis dans la mesure où il s’était retiré volontairement de la réécriture du scénario.

Julien GOMIS

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