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USDC San Diégo, 7 mai 2012, V. WILLIS c/SCORPIO Music

 

La décision rendue par la Tribunal de San Diego est la première qui statue sur les conditions de résiliation des cessions de copyright. En allongeant la durée de protection, le copyright Act américain de 1976 a introduit la possibilité pour un auteur (ou un artiste), ou la majorité d’entre eux en cas de pluralité, de mettre fin à la cession de droits qu’ils ont consentie à l’issue d’un délai de 35 ans. Cette disposition, applicable aux œuvres créées à compter de 1978, produira ses premiers effets en 2013.

L’application de cette disposition, dont sont exclues les « works made for hire » donnera certainement lieu à de nombreuses batailles au regard de la qualification, en droit américain, du lien entre l’auteur/artiste et son éditeur/producteur.

En l’espèce le jugement rendu le 7 mai 2012 intéresse directement les éditeurs français, en premier lieu, car il concerne une œuvre majoritairement française, en second lieu, car il traite de la question du choix entre des cessions séparées et des cessions conjointes.

Ainsi, Monsieur Victor Willis, l’un des membres du groupe Village People, auteur des paroles anglaises de titres aussi célèbres que YMCA, In the Navy ou Go West, avait-il cédé ses droits à la filiale américaine d’un éditeur français, Scorpio Music. Aux termes de la cession, Monsieur Willis se reconnaissait adaptateur de chansons originales françaises écrites et composées par des auteurs français.

Pour s’opposer à la résiliation de la cession, l’éditeur soutenait que, en cas de pluralité de co-auteurs la résiliation ne peut-être exercée que par une majorité de ces co-auteurs.

En s’en tenant à une interprétation littérale de la loi, le juge fédéral – Monsieur Moskowitz – retient que cette disposition est limitée à l’hypothèse où la cession a été consentie conjointement par plusieurs co-auteurs ; en l’espèce, Monsieur Willis ayant seul consenti la cession au sous-éditeur américain, tandis que les deux auteurs la consentaient à l’éditeur français, le Tribunal retient que Monsieur Willis peut récupérer ses droits.

L’on relèvera que le contrat étant soumis au droit américain, le juge n’a pas eu à examiner la question du droit applicable lorsque le contrat est soumis à un droit étranger et qu’il prévoit une cession pour la durée de protection y compris ses renouvellements et extensions.

De même, l’éditeur ayant renoncé à soutenir que l’œuvre pouvait être qualifiée de « work made for hire », cette question n’a pas été examinée par le juge, alors qu’il aurait été intéressant de voir comment la loi s’appliquait à un auteur-artiste-interprète.

Il convient de relever qu’en validant la résiliation de la cession, le juge permet à Monsieur Willis de remettre en cause la part de droits qui lui a été consentie par le contrat de cession et qu’il ordonne la réouverture des débats pour examiner si Monsieur Willis est l’auteur original des paroles anglaises ou l’adaptateur d’une version française préexistante. Dans le premier cas, la part des droits de Monsieur Willis pourrait atteindre 50 %.

De nombreuses questions restent donc posées sur l’exercice et les conséquences de ce droit de résiliation.

L’on peut notamment se demander quel effet aura la résiliation du contrat conclu avec l’éditeur américain sur les droits de l’éditeur français.

En l’état, l’on peut néanmoins conclure qu’en renouvelant la cession avec une majorité des auteurs lorsque ceux-ci sont cosignataires du contrat de cession (le texte semblant suggérer que cette majorité ne s’apprécie pas en part des droits mais en nombre) un éditeur évitera le risque de résiliation à l’issue du délai de 35 ans (ou à tout le moins le reportera).

 

Eric LAUVAUX

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