Par une décision du 27 mai 2015, publiée au Journal Officiel du 19 juillet 2015, le CSA a mis en demeure France Télévisions (FTV) de ne plus s’opposer à la reprise de ses programmes, par la société Playmédia, sur le site web playtv.fr. Cette décision est l’occasion de revenir sur le litige opposant les deux sociétés depuis maintenant deux ans.
En septembre 2009, France Télévisions adresse à Playmédia une première mise en demeure lui demandant de cesser la reprise de ses chaînes. France Télévision invoque en effet qu’elle ne disposait pas, pour certains programmes, des droits de diffusion sur internet (à l’exception des réseaux fermés des FAI – soit les « boxs »).
Le fondement du désaccord est l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986, qui impose à tout distributeur de services sur un réseau n’utilisant pas les fréquences terrestres assignées par le CSA de mettre gratuitement à disposition de ses abonnés certaines chaînes (obligation « must carry »), au rang desquelles figurent les chaînes du groupe France Télévisions. Cette reprise nécessite cependant l’établissement de relations contractuelles avec les chaines reprises.
Saisi par Playmédia, le CSA considère tout d’abord dans une décision du 23 juillet 2013 Playmédia comme un distributeur de services au sens de la loi, mais estime cependant que « Playmédia ne dispose d’aucun abonné, son service étant en accès libre et gratuit. Or disposer d’abonnés constitue une condition déterminante pour être soumis à l’obligation de reprise ». Playmédia met alors en place un système d’abonnement gratuit, qui consiste en une simple inscription sur le site. Malgré une base d’inscrits que Playmédia considère comme des abonnés au sens entendu par le CSA, l’appréciation de FTV ne varie pas et le groupe public refuse de conclure un accord avec Playmédia. La plateforme décide malgré tout de passer outre l’absence d’accord avec FTV.
FTV engage alors une action judiciaire qui se solde le 9 octobre 2014 par la condamnation de Playmédia par le Tribunal de grande instance de Paris à 1 million d’euros de dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon, du fait de la reprise sans accord de FTV des programmes diffusés et produits par elle, ainsi qu’à l’arrêt de la reprise des chaînes sur la plateforme. En creux, le Tribunal estime que dans la mesure où FTV n’a pas les droits nécessaires pour permettre la diffusion sur internet de certains programmes dont elle n’est que licenciée, elle était en droit de refuser à Playmédia la reprise de ces programmes. Cette décision fait actuellement l’objet d’un appel interjeté par Playmédia.
En parallèle, la procédure devant le CSA se poursuit et c’est par un avis de l’Assemblée Plénière du CSA du 25 février 2015 que le CSA constate « que l’offre proposée par la société Playmédia s’adressait désormais à des abonnés », dans la mesure où « les utilisateurs de cette offre souscrivent, pour y accéder, à un engagement de nature contractuelle […] ».
Sur le terrain du droit d’auteur, qui est le principal argument de FTV au refus d’autoriser la reprise de ses chaînes par Playmédia, le CSA estime désormais que « le simple fait que le groupe ne disposerait pas des droits nécessaires à la diffusion de ses programmes sur l’internet ouvert ne [permet] pas de faire obstacle au respect des dispositions législatives » issues de la loi de 1986. C’est donc une position contraire à celle du Tribunal que soutient désormais l’autorité de régulation, selon laquelle « il appartient au groupe France Télévisions d’obtenir, préalablement à leur diffusion, les droits nécessaires sur les programmes qu’il diffuse afin de pouvoir se conformer à ses obligations. »
Le CSA en conclut que FTV ne doit plus s’opposer à la reprise de ses chaînes par Playmédia et lui enjoint de conclure les accords nécessaires avec la plateforme.
Face au refus opposé par le groupe public, notamment du fait de la procédure judiciaire toujours en cours, le CSA a émis au début de l’été une mise en demeure à son encontre. Il conviendra de suivre les développements de cette affaire, dont la décision en appel devrait intervenir dans les prochains mois, sauf conclusion d’un accord entre FTV et Playmédia.
Loïc FOUQUET