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CA Paris, Pôle 5 – Ch. 1, 14 décembre 2021

La sonorisation des spectacles vivants pose la question de la frontière entre gestion collective et autorisation individuelle des ayants-droit.

En l’espèce, un célèbre auteur artiste-interprète avait assigné (avec ses coauteurs) le producteur d’un spectacle musical équestre, estimant que l’utilisation et l’interprétation de ses œuvres au sein du spectacle exigeait son autorisation. L’action visait à voir constater la violation de ses droits patrimoniaux et moraux d’auteur, d’artiste- interprète et de producteur des enregistrements et à obtenir la réparation des préjudices résultant des atteintes invoquées.

Le producteur du spectacle faisait valoir en défense qu’il bénéficiait d’une autorisation de représentation de la part des sociétés de gestion collective, à savoir la SACEM pour les auteurs, et la SCPP pour les producteurs phonographiques.

En première instance, les juges du fond ont rejeté les demandes à l’exception de l’atteinte, d’une part au droit moral d’auteur (droit au respect) du fait de la reproduction d’œuvres musicales dans le programme du spectacle, et d’autre part, aux droits de la personnalité de l’auteur dont le nom et une photographie figuraient dans le dossier de presse du spectacle. 

En appel, les appelants ont maintenu leur argumentation.

Sur le fondement des droits patrimoniaux d’auteur, les appelants faisaient valoir que le spectacle équestre incorporant leurs compositions musicales constitue une œuvre composite, et que l’absence d’autorisation pour incorporer lesdites œuvres dans le spectacle portait atteinte à leur droit de représentation et d’adaptation.

La Cour, confirmant l’analyse des premiers juges, retient la qualification d’œuvre composite mais juge que l’utilisation qui a été faite des œuvres musicales relève du droit d’exécution publique autorisé par les contrats généraux de représentation valablement conclus avec la SACEM, et qu’elle ne constitue pas une adaptation illicite.

Pourtant les auteurs soutenaient, non sans fondement, que si la SACEM est habilitée à autoriser la représentation publique des œuvres musicales dans le cadre de spectacles, cette autorisation ne s’étend pas à leur incorporation dans des spectacles scénographiés aboutissant à créer une œuvre composite. En tout état de cause, les appelants soutenaient que œuvres avaient été adaptées au sein du spectacle équestre et pas seulement représentées dans le cadre du droit d’exécution publique autorisé par la SACEM.

Pour rejeter les arguments des appelants, et retenir la compétence de la SACEM pour la délivrance de l’autorisation au seul titre du droit d’exécution publique, la Cour adopte une motivation qui peut surprendre.

Les juges relèvent d’une part, que lors la demande d’autorisation adressée par le producteur à la SACEM, le spectacle n’avait pas été présenté comme un spectacle dramatico-musical mais que la notoriété, non contestée, du producteur de spectacle était de nature à permettre à la SACEM de donner son accord en toute connaissance de cause. Pourtant, la Cour avait relevé que le spectacle avait été déclaré à la SACD !

Les juges retiennent d’autre part qu’un courrier de demande de collaboration avait été adressé par le producteur du spectacle à l’éditeur des œuvres, en amont de la production du spectacle et la réponse indiquant « Nous espérons que B. trouvera une composition appropriée dans le catalogue existant de chansons (…) » constituait une autorisation de principe à voir le spectacle équestre sonorisé par des chansons choisies au sein du catalogue de l’auteur.

La Cour écarte également la qualification d’adaptation. Tout en soulignant que la partie musicale du spectacle, spécialement les chansons litigieuses, jouait un rôle majeur dans la façon dont les scènes étaient perçues et interprétées par le spectateur, la Cour juge que cette partie musicale demeurait néanmoins dissociable de l’aspect visuel et artistique du spectacle équestre dans lequel elle est incorporée. Selon la Cour, les chansons sont distinctes et individualisables au sein du spectacle équestre proprement dit, composé de scènes mêlant chevaux et interprètes. Les œuvres sont alors reproduites dans leur nature première d’œuvres musicales sans changer de genre en raison de la nature de l’œuvre seconde. La Cour rejette également la qualification d’adaptation au motif que le DVD du spectacle avait pu être commercialisé sans aucun des titres revendiqués, à la suite de l’interdiction exprimée par les éditeurs desdits titres.

Sur le fondement des droits moraux d’auteur, la Cour souligne que l’appréciation des atteintes portées à ces droits doit se faire en tenant compte de la liberté de l’auteur du spectacle litigieux.  

Après avoir noté la notoriété du producteur du spectacle et la qualité artistique de celui-ci, elle juge que la recherche du juste équilibre des intérêts et droits en présence conduit à rejeter l’atteinte invoquée au droit moral d’auteur dans le cadre des représentations du spectacle.

Pour des motifs identiques, l’atteinte au droit moral de l’artiste-interprète est rejetée.

Enfin, il est partiellement fait droit à la demande formée par l’auteur en sa qualité de producteur des enregistrements sur le fondement de ses droits voisins. Après avoir justifié de ses droits sur les cinq enregistrements litigieux, il contestait que la SCPP ait pu donner une autorisation de diffusion pour 3 d’entre eux. Bien que la SCPP ait reconnu a posteriori que les enregistrements n’appartenaient effectivement pas à son répertoire, la Cour retient que la demande n’est pas fondée s’agissant d’enregistrements pour lesquels le producteur avait néanmoins perçu de la SCPP la rémunération au titre de la sonorisation des spectacles, celle-ci garantissant en outre le producteur du spectacle contre tous recours. En revanche, pour deux des enregistrements, le producteur de spectacle est condamné au titre de la violation des droits voisins d’artiste-interprète et de producteur phonographique pour avoir reproduit et diffusé, sans autorisation, les enregistrements phonographiques dans le spectacle.

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