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Cass. Civ., 1ère, 24 novembre 2015

Dans cette affaire, le demandeur, la société Andros, n’invoquait pas une atteinte à une création publicitaire sur le fondement du droit d’auteur mais reprochait à l’un de ses concurrents, la reprise d’une idée publicitaire consistant dans la représentation d’un fruit en gros plan sur lequel est apposée une étiquette comportant sa marque.

Traditionnellement, la jurisprudence considère que le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et que la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce. La simple reprise d’une idée ou d’un procédé n’est pas constitutive en soi d’une faute, ces éléments étant de libre parcours.

La jurisprudence sanctionne en revanche, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, le comportement d’un concurrent consistant à reprendre ou imiter une idée ou un concept qui n’est pas en soi nécessaire pour illustrer le produit ou service objet d’une publicité, c’est-à-dire la reprise d’une idée publicitaire arbitraire et distinctive au regard des produits, si elle est de nature à engendrer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit.

En l’espèce, la cour de cassation confirme l’analyse de la cour d’appel qui a jugé que l’idée publicitaire d’associer un fruit et la marque du fabricant du produit pour désigner un jus de fruit ou des desserts fruitiers n’est pas usuelle mais distinctive des produits Andros par son usage ininterrompu depuis 1988. Sa reprise par un concurrent constitue dès lors un comportement fautif en raison de la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine des produits, préjudiciable à l’exercice paisible et loyal du commerce.

Le risque de confusion résulte de la reprise de l’idée d’associer le fruit et la marque ainsi que de sa mise en œuvre à la fin du film publicitaire en tant que signature, marquant la mémoire du consommateur. La cour écarte, comme les juges du fond, l’argument tenant à la différence entre les marques, qui n’atténue pas, selon elle, ce risque.

Le concurrent est condamné pour avoir indument repris et banalisé l’idée publicitaire distinctive utilisée par Andros depuis 1988.

La cour reconnaît que l’usage constant par Andros de cette idée publicitaire a contribué à lui conférer son caractère distinctif.

Il sera souligné que le grief fondé sur un comportement parasitaire n’a pas été retenu à défaut pour Andros d’avoir communiqué les investissements financiers ou intellectuels consacrés à l’idée et au visuel publicitaire en cause ni d’avoir justifié d’un quelconque bénéfice que son concurrent aurait indument perçu.

Florence DAUVERGNE

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Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.

 

Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.

 

La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».

 

Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.

 

En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe Image de la marquen’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.

 

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

 

La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe Image de la marque, avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».

 

La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.

 

 

Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.

 

La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.

 

Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.

 

Antoine JACQUEMART

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