Nous revenons sur une décision inédite rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 5 février 2025 (22-23.730), qui précise les conditions dans lesquelles l’employeur peut obtenir, en référé, la restitution de la ligne téléphonique professionnelle détenue par un salarié après la rupture de son contrat de travail.
En l’occurrence, à la suite du licenciement pour faute grave d’un salarié, l’employeur lui avait demandé de restituer l’ensemble des documents et matériels appartenant à l’entreprise qu’il détenait, dont un téléphone portable. L’employeur découvrait par la suite que le salarié avait fait transférer la ligne téléphonique professionnelle à son nom personnel, bien que la société continuât d’en payer les factures. Il saisit donc la formation de référé du conseil de prud’hommes pour en obtenir la restitution.
Le juge des référés condamna le salarié à restituer à l’employeur la ligne téléphonique – incluant la carte SIM – dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision.
Confirmant la décision du juge des référés, la cour d’appel jugea que l’obligation de restitution n’était pas sérieusement contestable : d’une part le salarié ne pouvait sérieusement prétendre que le contrat portant sur la ligne téléphonique litigieuse avait été souscrit par lui en son nom personnel ; d’autre part la société assumait encore les paiements liés à cette ligne. Il s’agissait donc d’un bien à usage professionnel.
Saisie d’un pourvoi du salarié, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle d’abord la compétence de la formation des référés prévue à l’article R1455-7 du code du travail selon lequel (§5)
« dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
Puis, approuvant la décision de la cour d’appel, elle juge que (§6 et 7) :
« 6. La cour d’appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que la ligne téléphonique litigieuse correspondait au numéro de téléphone mis à la disposition du salarié pendant l’exécution du contrat de travail et qu’il avait conservé après la rupture du contrat de travail en ayant fait transférer la ligne en son nom en fraude aux droits de la société.
7. Ayant ainsi constaté le caractère professionnel de cette ligne téléphonique, elle a pu, sans excéder ses pouvoirs, en ordonner la restitution. »
Cette décision rappelle qu’un bien mis à disposition du salarié dans le cadre de l’exécution du contrat de travail – y compris une ligne téléphonique – reste la propriété de l’entreprise. En cas de rétention abusive, le juge des référés peut ordonner la restitution du matériel professionnel dès lors que l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. La circonstance que le salarié ait tenté de s’approprier ce bien, en infraction au droit des sociétés, par exemple par un transfert frauduleux de la ligne téléphonique de l’entreprise à son nom, n’y fait pas obstacle.
Pour éviter ce type de litige, il est donc conseillé aux employeurs de prévoir dans le contrat de travail, et/ou de spécifier dans la lettre de licenciement, les modalités précises de restitution du matériel professionnel.