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L’Autorité de la concurrence se plonge dans l’univers du programmatique

L’Autorité de la concurrence (Adlc) vient d’annoncer l’ouverture d’une enquête sur « l’exploitation des données dans le secteur de la publicité en ligne » (Décision n° 16-SOA-02 du 23 mai 2016). Cette auto-saisine devrait aboutir, « à l’issue d’une large consultation publique visant à réunir les observations de l’ensemble des parties prenantes », à un avis non contentieux visant à définir les marchés pertinents, le pouvoir de marché des différents acteurs et leurs pratiques commerciales susceptibles de restreindre la concurrence. Une auto-saisine finalement classique, dans un secteur en forte croissance et en constante évolution, qui nécessite probablement d’être regardé de plus prêt pour en comprendre le fonctionnement, les enjeux et les risques.

Il n’y a pas de doute, les sujets visés par la décision de l’Adlc sont d’actualité et soulèvent depuis quelques années des problématiques juridiques importantes. Les données d’abord, qui peuvent constituer le cœur de la stratégie commerciale de beaucoup d’entreprises. Face à de nombreux abus, les autorités et le législateur tant français qu’européen se sont emparés de la question, preuve en est la publication très récente du Règlement 2016/679. La publicité en ligne ensuite, qui ne cesse d’évoluer, rendant complexe son encadrement, notamment par la loi Sapin. Plus particulièrement, la publicité programmatique qui permet la mise en relation automatisée de vendeurs et d’acheteurs d’espaces publicitaires, fait aujourd’hui intervenir de nombreux nouveaux acteurs (SSP, AdExchange, DSP, Trading Desks…) dont il est parfois difficile de qualifier juridiquement le rôle. La DGCCRF a d’ailleurs lancé depuis quelques années une consultation des principaux acteurs du marché afin d’en comprendre le fonctionnement et de déterminer dans quelle mesure une loi adoptée en 1993, alors qu’Internet n’en était qu’à ses balbutiements, qui exige le respect d’un formalisme stricte dans le cadre d’une relation tripartite (annonceur-agence-support), peut aujourd’hui être appliquée à un modèle bien plus complexe, voire totalement différent. Un décret prévoyant une légère adaptation de ce cadre dans le secteur digital est en outre en cours d’adoption.

Mais quel peut être le rôle de l’Adlc face à ces problématiques ? Quelles questions de concurrence peuvent soulever des domaines si spécifiques dont le suivi revient à la CNIL et à la DGCCRF ? Il est évident que le secteur de la publicité en ligne et la question du traitement des données doivent faire l’objet d’une analyse pour permettre un encadrement adapté, mais la prohibition des ententes et des abus de position dominante constitue-t-elle vraiment un angle adapté à cette analyse ? L’Adlc est-elle ici dans son rôle ?

A y regarder de plus près, il est possible que la réponse à cette dernière question soit positive. Car si, à première vue, c’est au regard de la loi Sapin et de la loi Informatique et Libertés que ces problématiques devraient être examinées, on s’aperçoit finalement que les données sont devenues une véritable monnaie d’échange dans le domaine de la publicité en ligne et constituent, à ce titre, un enjeu économique considérable. Dès lors, il ne peut pas être exclu que certains utilisent leur position sur le marché pour imposer de façon abusive leurs conditions commerciales ou leurs conditions d’accès aux inventaires publicitaires les plus attractifs, aux données et aux offres commerciales de données.

En tout état de cause, même si l’avis de l’Adlc ne permet finalement pas une analyse concurrentielle EFFICACE, il aura au moins le mérite de définir les marchés pertinents et de nous aider à comprendre le rôle de chacun dans ce grand flou technique.

Agathe DUPERRAY

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