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TGI Paris, Ordonnance 16 septembre 2014

La rentrée 2014 a été l’occasion pour le Tribunal de grande instance de Paris de condamner pour la première fois la société Google France sur le fondement du droit à l’effacement.

En effet, par une ordonnance de référé rendue le 16 septembre, le Tribunal de grande instance a contraint Google France à déréférencer, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, plusieurs liens renvoyant à des contenus qui avaient été jugés diffamatoires par le Tribunal correctionnel de Paris. Ce dernier avait condamné le 13 mars 2014 l’auteur des contenus illicites qui étaient stockés sur un site Internet ainsi que sur une page du réseau social Facebook.

Par la suite, les victimes de la diffamation par voie électronique ont constaté que la saisie de leurs patronymes sur le moteur de recherche Google renvoyait vers des liens contenant les propos précédemment condamnés.

Deux mois plus tard, la Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 13 mai 2014, a consacré le droit à l’effacement (CJUE, 13 mai 2014, Google Inc. c/Agencia Española de Protección de Datos, Mario Costeja González, affaire C-131/12). Les victimes ont alors profité de cette solution novatrice, pour mettre en demeure Google de supprimer les liens litigieux de la liste des résultats de son moteur de recherche. Cette mise en demeure est néanmoins restée infructueuse.

Le 5 juin 2014, faute de réponse satisfaisante de la part de Google, les victimes ont décidé d’assigner Google France afin qu’il lui soit fait injonction de procéder à la suppression des liens référencés litigieux.

Google France invoquait l’irrecevabilité de la demande.

Tout d’abord, Google France a fait valoir que l’éditeur et l’exploitant du moteur de recherche et du site « google.fr » est la société Google Inc. La société défenderesse n’aurait ainsi qu’une « activité de fourniture de prestations de marketing et de démonstration auprès d’une clientèle utilisant des services publicitaires ».

Sur ce point, le Tribunal a rendu une solution inédite en retenant que, si Google Inc. est certes l’exploitant du moteur de recherche, la société Google France, qui est une filiale à 100% de Google Inc, a pour activité « la promotion et la vente d’espaces publicitaires liés à des termes recherchés au moyen du moteur édité par Google Inc. ». De ce fait, Google France, par l’activité qu’elle déploie, assure le financement de ce moteur de recherche.

Cette solution trouve son fondement dans l’arrêt de la CJUE du 13 mai 2014 selon lequel l’établissement ou la filiale implantée par Google Inc. dans un Etat membre de l’Union

européenne, en est son représentant dans l’Etat concerné. Ainsi, « les activités de l’exploitant du moteur de recherche et celles de son établissement situé dans l’Etat membre, sont indissociablement liées ».

De plus, les requérants se sont appuyés sur la loi du 6 août 2004 transposant la directive 95/46, qui, comme l’a rappelé la CJUE, vise à assurer « une protection efficace et complète des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment du droit à la vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel ». A cet égard, la directive n’exige pas que le traitement de données à caractère personnel soit effectué par l’établissement concerné lui-même mais uniquement qu’il le soit dans le cadre des activités de celui-ci (article 4, paragraphe 1, sous a) directive 95/46).

Le Tribunal retient que, dès lors, les requérants étaient parfaitement recevables à agir contre Google France.

Sur le fond, le Tribunal a estimé que les propos dont le retrait était demandé, avaient été définitivement jugés diffamatoires. Par ailleurs, le constat d’huissier qui avait été produit fournissait la preuve que les liens référencés, attachés aux noms des demandeurs dans le moteur de recherche, renvoyaient vers les propos litigieux.

Enfin, le Tribunal a considéré que Google France – qui sollicitait à titre subsidiaire que l’injonction soit limitée aux seuls liens affichés sur Google.fr – n’avait pas établi l’impossibilité de se connecter depuis le territoire français en utilisant les autres terminaisons du moteur de recherche.

En conclusion, cette condamnation inédite de la société Google France traduit la volonté des juges français de consacrer le droit à l’oubli. Cette solution, qui s’inscrit dans la jurisprudence communautaire, devrait en outre ravir la CNIL qui milite pour que l’on réponde positivement aux demandes tendant à la suppression des liens renvoyant vers des pages Internet comprenant des données personnelles.

Cette condamnation de Google France n’aura cependant pas influencé la deuxième chambre de la Cour d’appel de Paris qui, à l’occasion de la célèbre affaire « Plus belle la vie », a déclaré irrecevable l’action dirigée contre la société Facebook France. En effet, dans un arrêt du 17 octobre 2014, la Cour a considéré que Facebook France est une personne morale distincte de la société Facebook Ireland Limited et de la maison mère Facebook Inc, que ses activités sont « strictement limitées à des fonctions de conseil en communication et de marketing », et qu’elle ne dispose pas, à ce titre, « d’autorité ou de contrôle sur les opérations et le contenu du service Facebook.com ».

On notera que, contrairement à l’espèce commentée, cette solution s’inscrit dans un cadre contractuel puisque les utilisateurs du réseau social adhèrent obligatoirement aux conditions générales d’utilisation du service Facebook, lesquelles mentionnent non pas Facebook France comme représentant en France du service mais Facebook Ireland Limited.

Charlotte UNGERER

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Confirmation en appel du statut d’éditeur d’un site de vente aux enchères et de parking de noms de domaine

  

 

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