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CA Paris, Pôle 6, Ch 12., 30 mai 2013

A la suite d’un redressement effectué par l’URSSAF, une société de production cinématographique contestait la requalification en salaire d’une partie de l’à-valoir sur droits d’auteur versé à l’auteur réalisateur d’un film de long-métrage, en critiquant :

– la position de l’URSSAF, qui lors du contrôle s’était référée à un usage invoqué par l’AGESSA selon lequel, dans le domaine cinématographique, il doit être prévu «une égalité des rémunérations, pour la répartition entre la rémunération pour les fonctions techniques et d’auteur du réalisateur au moment du tournage» (en l’espèce l’URSSAF avait ensuite réintégré dans l’assiette de cotisations de sécurité sociale la part de l’à-valoir, ayant la nature de droits d’auteur, qui n’avait pas été récupérée sur les recettes d’exploitation du film arrêtées à la date du contrôle) ;

– les décisions de la CRA (Commission de recours amiable) puis du TASS (Tribunal des affaires de sécurité sociale) ayant fondé le maintien du redressement au visa de l’article L.7121-8 du Code du travail (relatif au traitement des redevances versées aux artistes interprètes), confondant ainsi les droits d’auteur versés aux auteurs, tel qu’un réalisateur de film cinématographique (relevant du régime de l’AGESSA) et les redevances versées aux artistes en contrepartie de l’exploitation de leur prestation ;

– l’absence de prise en compte par l’URSSAF de l’apport d’un coproducteur étranger dans le calcul des RNPP (Recettes Nettes Part Producteur), servant de base de calcul à la rémunération proportionnelle de l’auteur, prise en compte dans la récupération de l’à-valoir.

Dans son arrêt du 30 mai 2013, la Cour d’appel de Paris énonce tout d’abord clairement que les réalisateurs de films cinématographiques disposent à la fois de la «qualité d’auteur d’une œuvre audiovisuelle» et de salarié «pour l’exécution matérielle de leur conception artistique» et doivent en conséquence «recevoir une rémunération à la fois pour les prestations techniques de réalisation et pour la conception originale de l’œuvre cinématographique». La Cour d’appel précise à cet égard que la répartition des rémunérations (droit d’auteur/salaire) «dépend de l’accord de volonté des parties».

Par un tel rappel, la Cour d’appel écarte donc l’existence d’un usage relatif à la ventilation de la rémunération du réalisateur, mais précise cependant que « cette répartition doit correspondre effectivement à la réalité des différentes contributions du réalisateur au titre desquelles ils sont versés et ne pas cacher une minoration du salaire compensée par une hausse injustifiée des droits d’auteur».

La Cour d’appel confirme en l’espèce la position de l’URSSAF qui avait relevé le caractère disproportionné du montant de l’à-valoir par rapport au montant du salaire, constatant qu’en l’espèce l’à-valoir (qualifié de « rémunération forfaitaire assurée au réalisateur indépendamment des risques de l’exploitation de l’œuvre ») représentait 70 % de la rémunération totale du réalisateur.

La Cour d’appel arrête ainsi une position qui ne repose que sur l’appréciation factuelle de l’URSSAF sans expliquer en quoi le salaire versé aurait, en l’espèce, été insuffisant pour couvrir l’intégralité des travaux techniques liés à l’exécution matérielle de la prestation du réalisateur (la Cour listant ces travaux comme : «la collaboration à l’établissement du plan de travail, la recherche et le choix des documents éventuellement nécessaires, le choix des interprètes, la préparation, le tournage, le montage, le mixage et le synchronisme des images et du son, et d’une manière générale tous les travaux permettant d’aboutir à l’établissement de l’œuvre définitive», ce qui semble critiquable dans la mesure où certaines de ces contributions relèvent clairement de l’activité d’auteur, notamment, par l’originalité des choix qu’elles impliquent).

Enfin, la Cour d’appel rejette la demande de la société de prendre en compte les recettes postérieures au contrôle (pour apprécier l’amortissement de l’à-valoir) et de voir inclure l’apport d’un coproducteur (pourtant connu à la date du contrôle). A cet égard, la Cour indique que «l’URSSAF ne pouvait que se placer à la date du contrôle pour apprécier la nature salariale ou non des rémunérations versées au réalisateur», et estime par ailleurs «qu’il n’est pas justifié que l’apport d’une coproduction soit comptabilisé dans les recettes nettes part producteur sur la base desquelles sont calculés les droits d’auteurs dus au réalisateur», ce qui est pourtant expressément prévu dans l’accord du 16 décembre 2010 sur la transparence dans la filière cinématographique- rendu obligatoire par arrêté- et à la pratique contractuelle des contrats d’auteur-réalisateur.

Cette décision demeure intéressante en ce qu’elle reconnaît indirectement qu’il n’y a pas d’usage imposant un partage égalitaire entre les droits d’auteur du réalisateur et la rémunération salariale de ses prestations techniques, ce qui semblerait ainsi rendre possible le versement d’un à-valoir supérieur au salaire, dès lors que les recettes prévisibles et le taux de rémunération le justifient.

Dorothée SIMIC

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