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Cass. Civ. 1ère, 20 Décembre 2017

Trouver le juste équilibre entre le droit moral d’un architecte sur son œuvre, et les droits du propriétaire sur le bâtiment commandé : un exercice impossible ?

Dans cette affaire, un architecte avait conçu et réalisé un bâtiment destiné à accueillir les collections du Musée de l’Arles antique pour le département des Bouches-du-Rhône. Suite à la découverte d’une barque datant de l’époque gallo-romaine et de sa cargaison, le département avait entrepris des travaux d’extension du musée afin de les y exposer, ce en désaccord avec l’architecte.

Ce dernier n’était pas opposé au principe d’une extension de l’édifice, de forme triangulaire, mais souhaitait que l’extension soit bâtie dans le prolongement d’un des angles du bâtiment, afin de ne pas dénaturer l’harmonie de son œuvre. Il expliquait par ailleurs que l’existence d’altérations importantes de l’édifice originel n’était pas nécessaire, et que l’extension pouvait être réalisée sans démolition.

Le département a néanmoins fait réaliser d’autres travaux d’extension, qu’il estimait appropriés. L’architecte l’a donc assigné en violation de son droit moral sur l’œuvre, en vue d’obtenir une remise en état de l’édifice, et le versement de dommages-intérêts.

Cela a été l’occasion de rappeler deux principes fondamentaux en la matière.

Tout d’abord, la vocation utilitaire d’un bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci d’imposer une intangibilité absolue de son œuvre.

Il importe cependant, pour préserver l’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du propriétaire de l’œuvre architecturale, que les modifications apportées n’excèdent pas ce qui est strictement nécessaire à l’adaptation de l’œuvre à des besoins nouveaux, et ne soient pas disproportionnées au regard du but poursuivi.

Sur cette base, la Cour de cassation a tout d’abord rappelé que la charge de la preuve pèse sur l’auteur, qui doit établir l’existence de l’atteinte portée à ses droits.

Elle a ensuite confirmé la décision d’appel, qui estimait que l’architecte n’avait pas démontré en quoi l’extension litigieuse dénaturait l’harmonie de son œuvre.

En effet, la Cour d’appel avait tout d’abord relevé que la découverte de la barque (déclarée trésor national) et de sa cargaison, ainsi que la nécessité de les exposer au sein du musée, caractérisaient l’existence d’un besoin nouveau, qui commandait la construction d’une extension du musée.

Elle estimait ensuite que l’unité qui s’attache à un bâtiment muséal exclut la construction d’un bâtiment séparé de l’édifice originel, et commande l’édification d’une extension. Enfin, la Cour rappelait que l’extension en question reprenait même les couleurs originelles, blanches des murs et bleue des façades, du musée.

L’on relèvera enfin que l’action de l’architecte avait été portée devant le juge judiciaire. Or, selon la décision du Tribunal des Conflits du 5 septembre 2016, seul le juge administratif avait compétence pour statuer sur la demande de remise en l’état de l’œuvre, le musée étant un ouvrage public appartenant au département des Bouches-du-Rhône.

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