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Cass. civ. 1, 14 février 2018, publié au bulletin

Dans cet arrêt rendu le 14 février 2018 par sa première chambre civile, la Cour de cassation casse et annule une décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence au motif que celle-ci a prononcé à l’encontre d’une célèbre entreprise connue pour son moteur de recherche une « injonction d’ordre général [de déréférencement] et sans procéder, comme il le lui incombait, à la mise en balance des intérêts en présence ».

En l’espèce, un particulier a constaté qu’à partir d’une requête comportant ses nom et prénom sur ledit moteur de recherche, il pouvait accéder à des informations relatives à son ascendance et ses enfants notamment. Il reproche ainsi à la société d’exploiter ses données personnelles sans son consentement. C’est pourquoi il avait saisi le juge des référés, aux fins d’obtenir la cessation de ces agissements qu’il estime constitutifs d’un trouble manifestement illicite.

Le Tribunal de grande instance de Nice ayant fait droit à sa requête en ordonnant les déréférencements demandés, l’arrêt d’appel avait ensuite enjoint à la société de supprimer les liens qui conduisaient à toute adresse URL identifiée et signalée par le demandeur comme portant atteinte à sa vie privée. Devant cette injonction de déréférencement à caractère général, la société mise en cause s’était pourvue en cassation.

Finalement, la Haute juridiction invalide l’arrêt. Elle rappelle qu’en vertu des articles 38 et 40 de la loi Informatique et libertés, une personne physique peut s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que les données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. Toute personne physique peut donc exiger du responsable d’un traitement que soient rectifiées ou effacées les données inexactes ou périmées dont la conservation ou la communication est interdite. La Cour précise que ces dispositions de la loi Informatique et Libertés doivent être interprétées à la lumière des dispositions de la directive 95-46/CE.

Elle ajoute qu’il résulte de l’arrêt du 13 mai 2014 de la CJUE Google Spain que les demandes introduites au titre des articles 12, sous b), et 14 premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 peuvent être directement adressées par la personne concernée au responsable du traitement, qui doit alors examiner le bien-fondé de celles-ci et, le cas échéant, mettre fin au traitement des données en cause.

Lorsque le responsable du traitement ne donne pas suite à ces demandes, la personne concernée peut saisir l’autorité judiciaire pour que celle-ci effectue les vérifications nécessaires et ordonne au responsable la réalisation de mesures précises.

Dans la mesure où la suppression de liens de la liste de résultats pourrait, en fonction de l’information en cause, avoir des répercussions sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à celle-ci, il y a lieu de rechercher, à l’occasion de cet examen, un juste équilibre, notamment, entre cet intérêt et les droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel garantis par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Dès lors, la juridiction saisie d’une demande de déréférencement est tenue de porter une appréciation sur son bien-fondé et de procéder, de façon concrète, à la mise en balance des intérêts en présence, de sorte qu’elle ne peut ordonner une mesure d’injonction d’ordre général. C’est donc le caractère automatique de la suppression de la liste de liens qui est ici sanctionné.

Pour la Cour de cassation, en prononçant ainsi une injonction d’ordre général sans procéder, comme il le lui incombait, à la mise en balance des intérêts en présence, la cour d’appel a violé la Directive 95/46 et la loi Informatique et Libertés.

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