TJ Toulon, 2e ch., 4 septembre 2025, n° 24/01921
Le Tribunal judiciaire de Toulon a rendu, le 4 septembre 2025, une décision importante en matière de propriété intellectuelle appliquée à l’architecture. Par ce jugement, la deuxième chambre apporte des précisions sur les effets juridiques du choix du nom(naming)d’un stade au regard du droit moral et des droits patrimoniaux de l’architecte.
- Droit moral de l’architecte : une protection limitée en cas d’acceptation du naming
Un architecte estimait que le projet de naming du stade qu’il avait conçu portait atteinte à ses droits d’auteur.
Lors de la rénovation de l’enceinte, il avait pourtant conclu un contrat avec le Rugby Club de la ville prévoyant la possibilité d’un futur contrat de naming, sous réserve que la modification du nom ne dénature pas l’œuvre architecturale et qu’une rémunération soit négociée de bonne foi au titre de ses droits patrimoniaux.
Le contrat précisait qu’en cas de désaccord, une expertise judiciaire serait organisée pour fixer la rémunération et encadrer la modification de la façade, sans dénaturer l’œuvre.
A ce titre, une expertise a été ordonnée par le président du Tribunal judiciaire, puis le Club et la société gestionnaire du stade ont assigné l’architecte aux fins de fixation de sa rémunération.
Le Club proposait un montant annuel de 17 021 €, tandis que l’architecte, contestant l’impartialité du rapport d’expertise, réclamait 25 % des recettes nettes issues du contrat de naming. Il demandait également à concevoir la signalétique du stade, estimant que toute modification visuelle touchant à l’identité du lieu nécessitait son accord préalable.
Selon le tribunal, l’architecte ayant accepté le principe du naming, il ne pouvait plus s’y opposer au nom de son droit moral.
Le tribunal retient que le droit moral s’exerce uniquement face à une atteinte à l’intégrité ou à l’esprit de l’œuvre, et non de façon préventive pour bloquer toute opération de naming.
- Droits patrimoniaux de l’architecte : pas de rémunération automatique en l’absence d’exploitation de l’œuvre
Le tribunal juge que la pratique du naming ne constitue pas, en elle-même, une exploitation de l’œuvre architecturale au sens du droit d’auteur. Elle s’analyse plutôt comme un contrat de sponsoring ou de communication commerciale, distinct de l’exploitation de la forme ou de l’image de l’œuvre.
À ce titre, la conclusion d’un contrat de naming ne saurait, à elle seule, ouvrir droit à une rémunération au profit de l’architecte au titre de ses droits patrimoniaux.
C’est donc en application du contrat liant les parties que le juge a décidé de fixer une rémunération annuelle forfaitaire de 25 000 € au profit de l’architecte.
Ainsi, la rémunération de l’architecte découle davantage de l’accord contractuel, au titre du naming du stade, que d’un véritable droit d’auteur.
Cette décision présente un double apport. D’une part, le droit moral de l’architecte peut être restreint lorsque ce dernier a accepté le principe du naming, sous réserve que cette restriction ne porte pas atteinte à l’intégrité de son œuvre.
D’autre part, le droit patrimonial de l’auteur ne donne pas automatiquement droit à une rémunération pour le naming, toute compensation financière dépendant du contrat conclu entre les parties.
Pour les acteurs concernés — architectes, maîtres d’ouvrage, gestionnaires d’ouvrages —, cette jurisprudence souligne l’importance d’anticiper contractuellement les effets du naming, tant du point de vue du droit moral que des droits patrimoniaux.
Cet article a été rédigé par Clara SULTAN,
élève avocate au sein du cabinet Nomos




