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Cass. Soc. 16 mars 2016, 15-11396

En cas de requalification de CDD en CDI, l’employeur condamné à payer un rappel de salaire au titre des périodes inter-contrats ne peut pas déduire des sommes dues le montant des indemnités perçues de Pôle emploi par le salarié.

Un salarié embauché en CDD peut solliciter du juge prud’homal qu’il requalifie le ou les CDD qui l’ont lié à son employeur, en CDI (à la condition que les dispositions légales s’imposant au CDD n’aient pas été respectées).

Si la juridiction fait droit à sa demande, le salarié obtiendra des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail (car le terme du CDD requalifié en CDI ne constitue pas un motif légitime de rupture du contrat), une indemnité de requalification (art. L 1245-2 du Code du travail) et, éventuellement, un rappel de salaire pendant les périodes interstitielles.

En effet, lorsqu’un salarié a été embauché par un même employeur dans le cadre plusieurs CDD, il y a souvent, entre chacun des contrats, des périodes d’inactivité. Ce sont les périodes interstitielles ou inter-contrats. Dès lors que le juge requalifie l’ensemble des CDD en un CDI, la question du paiement par l’employeur du salaire qui aurait dû être versé au salarié durant ces périodes s’est posée.

D’après la Cour de cassation « le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail » (Cass. Soc. 22 septembre 2010, 09-42344 ; Cass. Soc. 30 novembre 2010, 09-40160).

A cet égard, la charge de la preuve pèse sur le demandeur ; c’est au salarié d’établir qu’il s’était tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles (Cass. Soc. 16 septembre 2015, 14-16277 ; Cass. Soc. 10 décembre 2014, 13-22422 ; Cass. Soc. 28 septembre 2011, 09-43385).

Souvent, durant les périodes inter-contrats, le salarié est au chômage. Il est néanmoins jugé que « la perception d’indemnités de chômage n’exclut pas à elle seule que le salarié ne se tienne pas à la disposition de l’employeur » (Cass. Soc. 25 juin 2013, 11-22646).

Une dernière question restait en suspens. Si le salarié, qui a obtenu la requalification de ses CDD en CDI, parvient à démontrer qu’il se tenait à la disposition de son employeur durant les périodes interstitielles, l’employeur, condamné à verser les salaires au titre desdites périodes, est-il en droit de soustraire du montant des sommes dues, l’équivalent du revenu de remplacement éventuellement perçu de Pôle emploi par le salarié? C’est à cette question que répond la haute juridiction dans un arrêt du 16 mars 2016.

En l’occurrence, un salarié avait signé 769 CDD avec France Télévision. Il a obtenu la requalification de sa relation contractuelle en CDI et « des rappels de salaires couvrant les périodes non travaillées pour son employeur ». Devant la Cour de cassation, l’employeur a fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir dit que « les sommes perçues par le salarié au titre des Assedics, ne [devaient] pas être déduites lors du calcul des rappels de salaire ».

Le pourvoi a été rejeté. L’attendu de la Cour de cassation est ferme : « le calcul des rappels de salaire consécutifs à la requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée, qui s’effectue selon les conditions contractuelles fixant les obligations de l’employeur telles qu’elles résultent de cette requalification, n’est pas affecté par les sommes qui ont pu être versées au salarié par l’organisme compétent au titre de l’assurance chômage ».

Ainsi, l’employeur devra payer l’exhaustivité des salaires dus sans pouvoir y soustraire le revenu de remplacement que Pôle emploi aura éventuellement versé au salarié concerné durant les périodes inter-contrats.

Le salarié ne pourra pas pour autant cumuler les deux rémunérations. Pôle emploi sera en droit de réclamer, dans la limite de la prescription, le remboursement des indemnités de chômage versées durant les périodes litigieuses. En effet, après condamnation de l’employeur à verser les salaires au titre des périodes interstitielles, le versement du revenu de remplacement par Pôle emploi deviendra indu et donc susceptible de répétition.

Romain PIETRI

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