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Projet de loi pour une République Numérique adopté par l’Assemblée Nationale le 20 juillet 2016

Il y a un an, le gouvernement français lançait un nouveau processus démocratique : la consultation publique en ligne de son projet de loi pour une « République Numérique ». Ainsi, du 25 septembre au 18 octobre 2015, les internautes ont été invités à indiquer s’ils étaient « d’accord », « pas d’accord » ou « mitigés » à l’égard des différents articles du projet. Il leur était surtout possible de commenter ou faire des propositions de modification des articles du gouvernement ou même de rédaction d’articles entièrement nouveaux. A l’issue de la consultation, le gouvernement a apporté des réponses à certaines contributions et en a par ailleurs intégré quelques unes dans son projet final. Par la suite, ce projet a été déposé au Parlement où le processus démocratique « classique » (bien qu’accéléré) a repris son cours, avec le vote de nouveaux amendements amenant parfois à des modifications importantes du texte.

 

Après être passé en commission mixte paritaire, le texte de compromis a été adopté par l’Assemblée nationale le 20 juillet 2016, et devrait en principe l’être par le Sénat lors du vote prévu le 27 septembre prochain ; il apparaît utile de présenter dès à présent quelques une des dispositions les plus importantes pour les acteurs des médias et du divertissement.

(1) La neutralité du net : la loi prend expressément en compte ce nouveau principe, dont la définition et les dispositions précises sont déterminées par le Règlement UE n° 2015/2120 qui fut adopté en novembre 2015. Surtout, la loi étend les pouvoirs de l’ACERP au contrôle du respect de ces nouvelles obligations ; celle-ci pouvant s’appuyer sur les lignes directrices pour l’application du règlement qu’a récemment publié l’ORECE (Organe des Régulateurs Européens des Communications Electroniques).

Pour rappel, les principes de neutralité du net tels que ressortant du Règlement prévoient notamment l’interdiction de toute discrimination, en terme d’allocation de la bande passante disponible, par exemple entre différents types de services en ligne (ce qui devrait intéresser en premier lieu les services de vidéo et de musique, qui requièrent une large bande passante).

(2) La portabilité des données : sur ce point, le texte français va plus loin que le nouveau Règlement UE sur la protection des données, qui est par nature limité aux seules données à caractère personnelles. Ainsi, les consommateurs seront titulaires d’un nouveau droit leur permettant de récupérer (et transférer) :
– Tous les fichiers qu’ils ont mis en ligne ;
–  De toutes les données résultant de l’utilisation du compte d’utilisateur du consommateur et consultables en ligne par celui-ci, à l’exception de celles ayant fait l’objet d’un enrichissement significatif par le fournisseur en cause ;
–  « D’autres données » associées au compte utilisateur du consommateur qui facilitent le changement de fournisseur de service ou permettent d’accéder à d’autres services.

Les consommateurs devraient par exemple pouvoir facilement récupérer les contenus audiovisuels qu’ils ont mis en ligne, mais également d’autres données telles que les playlists qu’ils ont créées ou même celles créées par des tiers, mais qu’ils utilisent (ce type de données pouvant être couvertes par l’expression large : « données résultant de l’utilisation du compte d’utilisateur » – sous réserve de la protection des playlists de tiers par un droit de propriété intellectuelle). La liste des « autres données » ainsi que celle des « enrichissements non significatifs » sera déterminée par décret en Conseil d’Etat.

Il convient de noter que ce nouveau droit pour les consommateurs ne concernera que les fournisseurs d’un service de communication au public en ligne « dont le nombre de comptes d’utilisateurs ayant fait l’objet d’une connexion au cours des six derniers mois est inférieur à un seuil fixé par décret ».

(3) Les compétitions de jeux-vidéo : le projet fixe le cadre normatif tenant aux compétitions de jeux-vidéo, qui se heurtaient jusqu’alors au principe de la prohibition des loteries (toute opération publique créant l’espoir d’un gain dont l’existence tient du hasard et qui inclut un sacrifice financier des participants).

Dorénavant, la prohibition des loteries ne s’appliquera pas aux compétitions de jeux-vidéo organisées en la présence physique des participants, « pour lesquelles le montant total des droits d’inscription ou des autres sacrifices financiers consentis par les joueurs n’excède pas une fraction, dont le taux est fixé par décret en Conseil d’État, du coût total d’organisation de la manifestation incluant le montant total des gains et lots proposés ». De plus, un décret en Conseil d’Etat devrait fixer le montant total des gains au dessus duquel l’organisateur devra justifier d’un mécanisme en garantissant la redistribution complète.

Les compétitions de jeux vidéo devront néanmoins être déclarées (sans être soumises à une autorisation) à une autorité administrative spécifique.

Le projet créé également le statut de « joueur professionnel salarié de jeu vidéo compétitif ». L’employeur de celui-ci devra bénéficier d’un agrément du ministère chargé du numérique. De plus, son contrat de travail sera à durée déterminée et ne pourra être inférieur à la durée d’une saison de jeu vidéo compétitif de douze mois (sauf pour certaines situations où le contrat est conclu en cours de saison).

(4) Une nouvelle exception au droit d’auteur, la « liberté de panorama » : les reproductions et représentation d’œuvre architecturales ou sculpturales placées en permanence sur la voie publique ne seront plus soumises à autorisation. Cependant, cette exception ne concerne que les utilisations faites par des personnes physiques, à titre non commercial.

Le projet contient d’autres dispositions importantes, relatives notamment à de nouvelles obligations de transparence pour les « opérateurs de plateformes en ligne » (ex, selon la définition légale : marketplaces, sites de petites annonces etc.), à l’ouverture des données publiques, à une nouvelle exception en faveur du « text and data mining » et à la protection des données personnelles, qui fait l’objet d’un article spécifique de cette Netcom [Netcom septembre 2016 : Les dispositions relatives aux données personnelles dans la future loi pour une « République Numérique », projet de loi pour une République Numérique adopté par l’Assemblée Nationale le 20 juillet 2016].

Sylvain NAILLAT
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Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.

 

Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.

 

La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».

 

Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.

 

En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe Image de la marquen’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.

 

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

 

La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe Image de la marque, avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».

 

La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.

 

 

Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.

 

La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.

 

Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.

 

Antoine JACQUEMART

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