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Dans les sociétés anonymes, les Administrateurs (ou, le cas échéant, les membres du Conseil de surveillance), doivent être propriétaires du nombre d’actions prévu par les statuts1, que l’usage appelle « action de garantie ».

Jusqu’à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’Economie (dite « Loi LME »), il s’agissait d’une obligation en ce sens que les statuts de sociétés anonymes devaient déterminer ce nombre d’actions de garantie, généralement fixé à une seule action. A défaut d’être propriétaire du nombre d’action(s) ainsi requis par les statuts, les administrateurs ou les membres du Conseil de surveillance disposaient d’un délai de trois mois pour régulariser leur situation par l’acquisition d’action(s).

La loi LME a rendu facultative ces dispositions puisque désormais les statuts peuvent (et non plus doivent) imposer que chaque Administrateur ou membre du Conseil de surveillance soit propriétaire d’un nombre d’actions de garantie déterminé par les statuts. La Loi LME a également augmenté de trois à six mois le délai accordé aux Administrateurs (ou membres du Conseil de surveillance) pour régulariser leur situation s’ils ne sont pas propriétaires du nombre d’actions déterminé par les statuts.

Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009. Un arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 20113 vient préciser l’application de ces dispositions et de ses conséquences.

En l’espèce, M. Belkacemi avait été nommé Administrateur le 27 février 2007 de deux sociétés anonymes, les sociétés Tradition Securities and Futures et Tradition Securities and Futures-OTC, dont il était également le Président du Conseil d’administration. Depuis sa nomination en qualité d’Administrateur, M. Belkacemi n’avait pas acquis d’actions de ces deux sociétés et n’avait pas régularisé sa situation en cours de mandat, ainsi qu’en attestait un constat d’huissier du 22 décembre 2008.

Le premier point concernait l’application des nouvelles dispositions de la loi LME du 4 août 2008.

Une assemblée générale de ses deux sociétés avait été convoquée le 5 janvier 2009 avec pour ordre du jour la révocation du mandat d’Administrateur de M. Belkacemi. Ce dernier avait alors demandé et obtenu à sa requête une ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Paris en date du 30 décembre 2008 désignant un huissier ayant pour mission d’assister à ces assemblées générales. Les deux sociétés contestaient la qualité de M. Belkacemi pour présenter cette requête considérant que M. Belkacemi avait perdu, dès le 27 mai 2007, sa qualité d’Administrateur et n’avait donc plus qualité pour saisir le Président du Tribunal de commerce de Paris pour demander la désignation d’un huissier. En conséquence, ces deux sociétés ont assigné M. Belkacemi afin d’obtenir la rétractation de cette ordonnance du 30 décembre 2008.
Saisie du litige, la Cour d’Appel de Paris a estimé que M. Belkacemi n’avait pas, à la date de sa requête, perdu sa qualité d’administrateur de ces deux sociétés considérant qu’il n’avait pas été mis en demeure de régulariser sa situation, que ces deux sociétés l’avaient laissé poursuivre ses activités en leur sein sans faire observation à ce sujet et qu’à aucun moment il n’avait été constaté sa démission d’office.

La Cour de Cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’Appel au motif qu’il devait être réputé démissionnaire d’office à compter du 27 mai 2007, soit à l’expiration du délai de trois mois alors applicable. La Cour fait donc une application stricte de l’article L 225-25 du Code de commerce qui prévoit expressément qu’un Administrateur qui, au jour de sa nomination, n’est pas propriétaire du nombre d’actions statutairement requis ou qui ne régularise pas sa situation dans ce délai de trois mois, est réputé démissionnaire d’office.

Les éléments de fait (absence de mise en demeure, poursuite par le dirigeant de ses activités, absence de constatation par une assemblée générale de la démission d’office du dirigeant), qui avaient pourtant convaincu la Cour d’Appel sont donc inopérants pour la Cour de cassation qui retient que la démission d’office se réalise automatiquement, du seul fait de l’arrivée du terme accordé par le Code de commerce, qu’il s’agisse du délai de trois mois ou depuis la loi LME de celui de six mois.

La Cour de cassation en tire une autre conséquence logique, à savoir que la perte du mandat d’Administrateur entraine la perte du mandat de Président du Conseil d’administration puisque la durée du mandat de Président est liée à celle de son mandat d’Administrateur.

Dans le prolongement de cet arrêt de la Cour de cassation, la perte d’un mandat d’Administrateur est susceptible de produire d’autres « dommages collatéraux ».

Ainsi la Cour de cassation a déjà jugé que les délibérations d’un Conseil d’administration encourent la nullité en cas de défaut de quorum, ce qui risque de se produire si la perte d’un mandat d’un Administrateur ainsi réputé démissionnaire d’office suffit à réduire le nombre d’Administrateurs présents en dessous du quorum de la moitié des nombre d’Administrateurs légalement requis6, étant précisé que les Administrateurs non présents bien que représentés ne sont pas pris en compte dans le calcul du quorum.

De même, si la démission d’office d’un Administrateur a pour conséquence de réduire le Conseil d’administration à un nombre inférieur au minimum légal de trois Administrateurs, les deux Administrateurs restant devront immédiatement convoquer une assemblée générale afin de compléter l’effectif du Conseil. Lorsque les statuts fixent un nombre minimum d’Administrateurs supérieur à trois, la situation est plus favorable puisque le Conseil d’administration à trois mois pour coopter un nouvel Administrateur8et régulariser ainsi sa situation.
 
Le simple défaut de détention d’actions de garantie, situation en apparence anodine, est donc susceptible de mettre en jeu le mandat d’un Administrateur, de son mandat de Président de conseil d’administration le cas échéant et de nuire à la sécurité juridique des décisions sociales.

Pour prévenir ces dommages en cascade, le moyen préventif sans doute le plus efficace est de proposer aux actionnaires d’une société anonyme, à l’occasion d’une prochaine assemblée générale, de supprimer purement et simplement des statuts de leur société l’exigence de détention d’actions de garantie pour les Administrateurs ou et les membres du Conseil de surveillance.

Laurent THOMAS

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