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United States District Court, Central district of California, case n° CV10-03790 AHM (JCx), 15 octobre 2012, The Hebrew University of Jerusalem v. General Motors LLC
United States Court of appeals for the ninth circuit, 20 août 2012, Milton H. Greene Archives, Inc. v. Marilyn Monroe LLC, CMG Worldwide Inc., n° 08-56471 et ° 08-56472 D.C. N° 2:05-cv-02200-MMM-E

 

La protection du droit à l’image d’une personnalité décédée donne lieu à de nombreux débats, et pas seulement en France. Deux décisions récentes rendues par des tribunaux américains illustrent les difficultés d’appréciation.

Ces deux décisions concernent le droit à l’image de Marilyn Monroe et de Albert Einstein, dont les représentations sont intensivement utilisées sur les supports les plus divers, dans un but commercial ou non.

Elles illustrent les difficultés auxquelles font face les personnes ou sociétés ayant la charge de gérer les droits à l’image de personnalités décédées et mondialement connues, au point d’être devenues de véritables symboles, comme c’est le cas en l’espèce.

La décision Marylin Monroe rappelle que le droit à l’image n’est pas aux Etats-Unis une prérogative résultant de la loi fédérale et que la reconnaissance d’un tel droit peut sensiblement varier d’un Etat à un autre. La société Monroe LLC se trouvait confrontée à une difficulté ayant pour origine la position prise par les exécuteurs testamentaires successifs de la succession de Marilyn Monroe quant à la détermination de son dernier lieu de résidence.

En l’espèce, Monroe LLC soutenait en se référant à la loi de l’Etat de Californie qu’un éditeur ne pouvait vendre des photographies de Marilyn Monroe, ni faire la publicité de cette vente, sans son autorisation préalable puisque c’est elle qui gère désormais la succession. L’éditeur s’est cependant pourvu devant les cours californiennes, soulevant l’impossibilité pour Monroe LLC de soutenir que le domicile de Marilyn était situé en Californie au moment de son décès, selon la doctrine du judicial estoppel interdisant à une partie de soutenir des positions contradictoires au détriment d’autrui.

Dans le cadre d’un autre litige, les administrateurs de la succession, avaient avec succès soutenu que le dernier domicile de Marilyn se situait en effet à New York lorsqu’elle est décédée, ceci dans le but d’éviter le paiement d’importants droits de succession imposés par l’Etat de Californie et de s’opposer à l’action de Nancy Miracle (qui se prétendait l’enfant biologique de Marilyn), la loi de l’Etat de New York n’admettant pas cette action.

Ce qui ne pouvait être prévu à l’époque c’est que la Californie reconnaîtrait par une loi de 2004  un droit à l’image post-mortem (source inépuisable de revenus) . Cette loi devenue applicable au 1er janvier 1985 a été modifiée en 2007 reconnaissant le droit à l’image dès la date du décès pour toutes les personnes décédées avant 1985. L’Etat de New York, bien qu’étant le premier Etat à avoir érigé un droit à l’image en 1903, n’admet toujours pas de droit post-mortem, le droit à l’image s’éteignant donc au décès de la personne concernée.

En invoquant l’application de la loi californienne, comme loi du domicile de Marylin Monroe, après avoir invoqué dans un autre litige l’application de la loi de l’Etat de New York, Monroe LLC s’est donc heurtée à la doctrine du judicial estoppel, en vertu de laquelle une partie ne peut avancer un argument pour obtenir une décision qui lui est favorable et soutenir par la suite un argument contraire dans une autre procédure.

Monroe LLC s’est donc trouvée privée du droit d’invoquer la loi de l’Etat de la Californie reconnaissant la protection post mortem du droit à l’image, avec la conséquence que l’image de Marilyn Monroe est reconnue comme étant libre de droits et ce depuis son décès.

Dans la décision concernant Albert Einstein la difficulté est toute autre, puisque le débat se situe non pas sur l’existence d’un droit à l’image mais sur sa durée.

Einstein est décédé alors que son domicile se trouvait dans l’Etat du New Jersey dont les tribunaux reconnaissent un droit à l’image post-mortem depuis une décision de 1981 rendue à propos d’Elvis Presley dans laquelle la cour affirme que le droit à l’image survit au décès et peut être transmis aux héritiers.

Cette décision ne traitait cependant pas de la durée de ce droit, laissant au législateur le soin de régler ce point. La question posée dans cette affaire est donc de savoir si en 2010, soit 55 ans après le décès d’Albert Einstein, ce droit à l’image est toujours protégé.

La jurisprudence antérieure étant muette, aussi bien dans le New Jersey que dans les autres Etats, les juges s’attachent donc à définir le régime de protection post mortem du droit à l’image en se référant aux durées de protections accordées aux droits de propriété intellectuelle par la loi fédérale et par la loi des différents Etats ,une protection de 50 ans ou moins y restant majoritaire.

La cour conclut qu’accorder au droit à l’image d’Einstein une protection allant au-delà de 50 ans ne permettrait pas de concilier tous les intérêts en présence et que l’utilisation des photographies doit donc être libre de droits à l’issue de ce délai.

Néanmoins, ce marathon judiciaire n’est sans doute pas clos car ces deux décisions concernent l’image de deux des personnalités les plus emblématiques du 20ème siècle.

L’on retiendra que ces affaires sont une nouvelle illustration de la difficulté à assurer la protection de l’image après la mort.

Mathilde BRIE

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