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Loi n°2015-994 du 17 août 2015, loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite Rebsamen

Les pathologies psychiques entrent dans le Code du travail comme possibles maladies professionnelles. Dans le même temps, le législateur dispense l’employeur de rechercher le reclassement de salariés inaptes à tous postes lorsque l’inaptitude résulte d’une maladie ou d’un accident professionnels. D’autres dispositions afférentes à la santé et la sécurité des salariés sont posées par la Loi Rebsamen. Peut-on trouver une cohérence générale ayant présidée à leur genèse ? Contre toute attente, une volonté pragmatique a peut-être prévalu sur le politique.


Parmi les nombreuses thématiques abordées dans le cadre de la Loi Rebsamen, figurent en bonne place la santé et la sécurité au travail. Certaines dispositions pourraient apparaitre comme des avancées en faveur des employés, d’autre en faveur des entreprises. Ainsi, d’un côté, la Loi assouplit-elle le dispositif de prévention de la pénibilité en supprimant notamment la fiche individuelle d’exposition. D’un autre côté, la Loi instaure des nouvelles mesures visant à renforcer la sécurité des salariés et des tiers en renforçant les droits et devoirs du Médecin du travail.

Cette grille de lecture dichotomique ne s’avère à l’arrivée guerre lisible et pourrait même conférer à ces dispositions prises ensemble une allure contradictoire.

L’examen de deux autres mesures permet cependant d’envisager une conclusion différente.

La première mesure concerne l’article 27 de la Loi (L. 461-1 modifié du Code de la sécurité sociale), lequel dispose « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et dernier alinéas du présent article ».

Une avancée pour tous les salariés souffrant notamment d’épuisement professionnel (alias « Burn out ») ? Sans doute car, même si une telle reconnaissance était déjà possible avant la Loi via une expertise individuelle, la pathologie psychique comme possible maladie professionnelle fait son entrée officielle dans le Code du travail. La symbolique est importante.

Les conditions posées par la Loi sont pourtant assez strictes, puisque la pathologie doit être «essentiellement et directement» causée par le travail habituel de la victime, et avoir entrainé son décès ou une incapacité permanente au moins égale à un pourcentage déterminé (l’évaluation de ce taux imposant la saisine du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles « CRRMP »). Le parcours reste donc long, et la reconnaissance professionnelle réservée aux cas les plus graves.

La seconde mesure vise à dispenser l’employeur de rechercher un reclassement lorsque le salarié est déclaré physiquement inapte à tout poste par le Médecin du travail (article L. 1226-12 modifié du Code du travail). La jurisprudence antérieure imposait une telle recherche même lorsque le Médecin fermait expressément tout reclassement à tous les emplois dans l’entreprise, ce qui pouvait effectivement apparaître absurde et source de perte de temps inutile.

De quoi réjouir les employeurs, saluant ici une simplification procédurale. Mais l’avancée reste là aussi soumise à de strictes conditions, ou plus exactement limitée aux seules inaptitudes ayant pour origine une maladie professionnelle ou un accident du travail. Sans doute des considérations politiques ont-elles conduit à exclure les inaptitudes d’origine non professionnelles car les débats parlementaires semblaient plus ouverts.

De plus, il faut que le Médecin du travail ait expressément indiqué que « le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à la santé du salarié ». La jurisprudence sera donc amenée à apprécier les mentions du Médecin, comme elle devra placer la frontière entre les maladies essentiellement ou non essentiellement causées par le travail habituel. Enfin elle devra répondre à la question laissée ouverte du caractère toujours obligatoire ou non de la consultation préalable des Délégués du personnel avant l’engagement de la procédure de licenciement.

Quoiqu’il en soit, aussi étroite soit-elle, une brèche est ouverte dans un mur auparavant fermé. Il faut y voir le souhait pragmatique de simplifier les choses dans des hypothèses où les exigences jurisprudentielles confinaient à l’absurdité la plus totale – y compris pour des salariés parfois désireux de ne pas revenir dans l’entreprise.

Si tel n’est bien entendu pas toujours le cas, la déclaration d’inaptitude tend à devenir pour certains salariés le moyen de « forcer » un licenciement. Une réponse stratégique pour trouver une issue à des situations parfois complexes. Vue sous cet angle, la brèche ouverte par le législateur répond aussi à un principe de réalité.

De la même manière, l’entrée officielle des pathologies psychiques parmi les maladies professionnelles est en parfaite cohérence avec l’évolution des relations de travail et la multiplication de telles maladies liées à l’univers professionnel.

S’il est parfois novateur, il appartient également au législateur de formaliser et cadrer les tendances jurisprudentielles comme de tirer les conséquences des évolutions concrètes du monde du travail. Il appartiendra aux parties prenantes de solliciter au besoin les Tribunaux pour éclairer les zones d’ombre ou faire valoir des situations particulières. La boucle sera bouclée.

Virginie DELESTRE

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