Nous revenons sur une décision publiée au bulletin rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 25 juin 2025 (24-12096) qui précise les conséquences d’un licenciement pour faute grave intervenu postérieurement à l’homologation d’une rupture conventionnelle (RC) mais antérieurement à la date de rupture convenue.
La chronologie des faits de l’espèce était la suivante :
- 15 janvier 2018 : signature d’une rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur prévoyant le versement au salarié d’une indemnité spécifique de rupture ;
- 30 janvier 2018 : fin du délai de rétraction de la rupture conventionnelle ;
- 20 février 2018 : homologation de la convention de rupture par le Direccte ;
- 26 février 2028 : révélation à l’employeur de manquements commis par le salarié relatifs à des faits de harcèlement sexuel ;
- 11 avril 2018 : convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement ;
- 23 avril 2018 : licenciement pour faute grave du salarié et donc sortie concomitante des effectifs sans préavis ni indemnité de licenciement ;
- 30 juin 2018 : date initialement prévue par la convention de rupture de prise d’effet de la rupture conventionnelle et donc, de versement de l’indemnité spécifique de rupture (auquel l’employeur a, en l’occurrence, refusé de procéder).
Afin d’obtenir le paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, le salarié saisit le conseil de prud’hommes. La cour d’appel rejeta cette demande du salarié, estimant que la révélation, postérieureà l’expiration du délai de rétractation mais antérieure à la prise d’effet de la rupture conventionnelle, de manquements imputables au salarié rendait la convention de rupture non avenue.
La cour d’appel retint ainsi que les faits de harcèlement sexuel reprochés au salarié étaient établis et rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, impliquant son éviction immédiate, le licenciement pour faute grave étant bien fondé et ayant rompu le contrat de travail avant la date d’effet de la convention de rupture.
Saisie du pourvoi du salarié, la chambre sociale de la Cour de cassation pose pour principe (§11) :
« qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture, l’employeur peut licencier le salarié pour faute grave, entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période. Toutefois, la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention, le licenciement n’affectant pas la validité de la rupture conventionnelle, mais ayant seulement pour effet, s’il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d’effet prévue par les parties dans la convention. ».
A retenir :
- l‘indemnité spécifique de rupture conventionnelle est définitivement acquise à la date d’homologation de la rupture conventionnelle, et non à la date d’effet de cette rupture.
- La Cour de cassation avait déjà jugé auparavant que « la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention » (Cass. soc., 11 mai 2022, 20-21103 ). En l’occurrence, le salarié était décédé entre la date d’homologation de la rupture conventionnelle et la date de rupture convenue, de sorte que les ayants droit du salarié étaient fondés à réclamer le paiement de l’indemnité spécifique de rupture nonobstant le décès du salarié avant la date de rupture convenue.
- et l’employeur peut licencier le salarié pour faute grave en raison de faits révélés entre l’expiration du délai de rétractation et la date de la rupture convenue par les parties, mais il demeurera néanmoins redevable de l’indemnité spécifique de rupture dès lors que la convention aura été homologuée antérieurement.
Les faits d’espèce ne tranchent pas le cas du licenciement pour faute grave qui serait intervenu avant le 20 février 2018, date d’homologation de la RC. A la lecture de l’attendu de principe ci-dessus reproduit, il semble que l’employeur eût pu légitimement ne pas verser l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Ce faisant, si après signature d’une RC, l’employeur est informé de faits disciplinaires graves, ses possibilités varieront au gré de l’évolution de la procédure :
- information des faits durant le délai de rétractation : l’employeur pourra exercer son droit de rétractation de la RC (art. L1237-13 in fine c. trav.) et engager la procédure de licenciement pour faute grave ;
- information desdits faits après le terme du délai de rétractation et la demande d’homologation de la RC :
- si la date de l’entretien préalable au licenciement permet l’envoi de la lettre de licenciement avant l’homologation, le contrat de travail sera rompu non pas par la RC mais par le licenciement pour faute grave, ce qui devrait rendre le salarié inéligible, tout à la fois, à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité spécifique de RC ;
- si la lettre de licenciement ne peut être envoyée qu’après l’homologation de la RC, le salarié conserve le droit au versement de l’indemnité spécifique de RC, le contrat de travail ayant été rompu par la RC nonobstant l’éventuelle sortie anticipée du salarié des effectifs de l’entreprise du fait de licenciement postérieurement prononcé.