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Décision du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel du 9 novembre 2016, publiée le 13 décembre 2016

Pour la première fois, un éditeur d’une chaîne vidéo sur internet a été mis en garde par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) qui a considéré que le programme relevait du régime des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD).

 

L’émission « Les recettes pompettes by Poulpe» est un programme vidéo disponible sur la plateforme Youtube et dont le concept est de faire venir des invités pour discuter de leur carrière, tout préparant des plats et en buvant de l’alcool au cours de l’enregistrement. L’émission rencontrant un certain succès a d’ailleurs été reprogrammée pour une deuxième saison.

Le ministère de la Santé a estimé que cette émission représentait une « incitation à la consommation excessive d’alcool ». L’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA) s’est également offusquée du concept du programme. Le Ministère de la Santé a alors demandé aux producteurs en avril 2016 de déprogrammer le premier épisode, demande qui n’a cependant pas été suivie d’effet.

Le 8 juin 2016, le CSA a informé la société Studio Bagel Productions, en tant qu’éditeur du service, qu’il considérait que la chaine Youtube devait relever du régime des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), tel que défini à l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986.

L’article 2 de cette loi dispose que « Est considéré comme service de médias audiovisuels à la demande tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de ce service ».

La société a répondu au CSA, mais ce dernier n’a pas considéré que les éléments de la réponse permettaient de contredire son analyse. Le Conseil a alors confirmé que le service fourni par l’éditeur constituait bien un SMAD, et a mis en garde Studio Bagel Productions dans une décision prise en assemblée plénière le 9 novembre 2016 et publiée le 13 décembre 2016.

En effet, les éditeurs de SMAD relèvent de la compétence du CSA et sont tenus de respecter les obligations applicables à cette catégorie de services, et plus précisément les dispositions du décret du 12 novembre 2010 relatif aux SMAD et à la délibération du 20 décembre 2011 relative à la protection du jeune public, à la déontologie et à l’accessibilité des programmes sur SMAD.

Ayant constaté que le premier épisode des « recettes pompettes » contenait de nombreuses références à l’alcool, le CSA a considéré que ce programme, en assurant une présentation de l’alcool susceptible d’encourager le public à la consommation, constituait une propagande en faveur de l’alcool en méconnaissance des dispositions de l’article L.3323-2 du Code de la santé publique. Le CSA a par ailleurs estimé que les mentions « Cette émission [peut] ne pas convenir à un jeune public» et « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez le avec modération » diffusées avant chaque émission, n’étaient pas suffisantes pour respecter les dispositions précitées.

Le Conseil a donc mis en garde Studio Bagel Productions, en sa qualité d’éditeur du service, contre la réitération d’un manquement aux dispositions légales. Il s’agit d’une décision innovante, reconnaissant pour la première fois à une société productrice et éditrice d’une chaine vidéo sur Youtube la qualité d’éditeur de SMAD. La décision pourrait emporter des conséquences sur toutes les sociétés qui éditent du contenu sur internet par le biais de chaîne vidéo. De plus, pour la première fois, le CSA opère une ingérence dans le secteur de la vidéo sur internet, que certains ont pu considérer comme exclu de son autorité.

Il reste à voir comment le CSA usera de ses prérogatives pour sanctionner l’éditeur, dans l’hypothèse où l’émission serait reconduite sans tenir compte de la mise en garde. Néanmoins il est trop tôt pour conclure que cette mise en garde de la part du CSA établit une règle définitive puisqu’il est fort probable que cette décision fasse l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat.

Geoffroy POUSSET

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Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.

 

Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.

 

La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».

 

Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.

 

En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe Image de la marquen’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.

 

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

 

La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe Image de la marque, avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».

 

La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.

 

 

Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.

 

La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.

 

Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.

 

Antoine JACQUEMART

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