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Cass. Com., 26 janvier 2022

Au visa de l’article L.711-4 g) (devenu L. 711-3 8°) du Code de la propriété intellectuelle mentionnant les droits de la personnalité d’un tiers parmi les antériorités susceptibles de rendre un signe indisponible en tant que marque, la Cour de cassation est venue rappeler sans ambiguïté que cette antériorité est opposable à tous, y compris au porteur du nom patronymique.  

Selon la jurisprudence constante, le nom patronymique d’une famille donne à ses membres le droit de s’opposer à toute appropriation indue par un tiers, dès lors que ce nom est utilisé à des fins commerciales ou publicitaires et qu’il existe une confusion. 

En l’espèce, le litige opposait l’un des héritiers de Gustave Eiffel, autorisé par décret du 7 juin 1994 à adjoindre à son patronyme celui de son ancêtre, à l’association des descendants de Gustave Eiffel (ADGE) ainsi qu’à d’autres héritiers agissant à titre individuel. Il lui était reproché, après qu’il ait été autorisé à déposer une marque, d’avoir fait une exploitation abusive du nom et de l’image de Gustave Eiffel à des fins purement commerciales en procédant à d’autres dépôts de marques comportant le nom patronymique Eiffel (dont cinq marques françaises objets du litige).

L’association et les descendants ont alors assigné le titulaire des marques en annulation et en radiation des marques déposées par ce dernier entre 1991 et 2012, en annulation des contrats de licence, cessions et concessions de marques et en interdiction d’usage à titre commercial des nom, image et signature de Gustave Eiffel.

La Cour d’appel a fait droit à la demande des descendants et a annulé les marques aux motifs que le dépôt des marques sans autorisation des descendants qui avaient acquis par décret le droit de porter le nom de Eiffel, en 1981, soit avant le titulaire des marques, encourait ainsi la nullité et que l’usage du nom Eiffel dans les marques était de nature à prêter à confusion. Le risque de confusion résultait du fait que les tiers pouvaient légitimement croire que les marques litigieuses étaient exploitées pour le compte de tous les descendants alors qu’un seul en tirait profit.

En revanche, la Cour a rejeté la demande d’interdiction générale au motif que si le titulaire des marques ne pouvait se prévaloir d’un droit à utiliser librement à titre commercial le nom de Gustave Eiffel., l’association qui ne rassemble pas tous les descendants de Gustave Eiffel, n’avait pas pour autant qualité à consentir ou non à l’utilisation des attributs de la personnalité de Gustave Eiffel., chacun des héritiers individuellement étant fondé à agir en protection de son nom.

Le titulaire des marques a formé un pourvoi et soutenait que si un tiers peut invoquer son nom de famille pour solliciter l’annulation d’une marque qui y porterait atteinte, chacun a le droit d’utiliser son nom de famille dans la vie des affaires et de le déposer à titre de marque.

La Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’appel en retenant que le fait qu’une marque soit constituée du nom de famille ou d’une partie du nom de famille de son déposant n’empêche pas les autres porteurs de ce nom d’agir en annulation de la marque sur le fondement de l’article L711-4 g), si celle-ci porte atteinte à leur droit au nom.

Le titulaire des marques contestait également l’analyse du risque de confusion qui selon lui aurait été effectuée sans comparer chacune des marques en cause avec les noms de famille des demandeurs à la nullité des marques.

La Cour de cassation relève que les juges du fond ont bien comparé les marques litigieuses avec le patronyme de chacun des demandeurs sollicitant leur annulation et ont constaté qu’elles comportaient le nom Eiffel, qui est l’élément notoire commun à tous ces noms de famille, renvoyant à leur célèbre ancêtre, Gustave Eiffel. Dès lors, les juges ont pu retenir que le consommateur moyen des produits et services pour lesquels ces marques avaient été enregistrées, pouvait légitimement croire qu’elles étaient exploitées par l’un des porteurs du nom.

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