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CJUE, 27 mars 2014, aff. C-314/12, UPC Telekabel Wien GmbH c/ Constantin Film Verleih GmbH Wega Filmproduktionsgesellschaft mbH

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), par un arrêt du 27 mars 2014, a apporté une nouvelle pierre à l’édifice des mesures prises à l’encontre des intermédiaires, notamment techniques, en cas d’atteinte au droit d’auteur ou droits voisins.

En 2011, des producteurs autrichiens assignaient en référé des fournisseurs d’accès à internet (FAI) afin que leur soit imposée l’interdiction de donner accès à un site de téléchargement et streaming illicite. L’un de ces FAI fait appel de la décision confirmant l’accueil des demandes. La Cour Suprême autrichienne, alors saisie de l’affaire, renvoie pour question préjudicielle à la CJUE, principalement sur deux questions : un FAI peut-il se voir imposer de prendre des mesures de blocage d’un site (i) alors que le jugement ne prescrit pas précisément les mesures à prendre, et (ii) alors que leur efficacité n’est pas en rapport avec le coût de telles mesures ?

En premier lieu, il convient de relever que la directive 2001/29 sur le droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information prévoit qu’un titulaire de droit peut demander au juge de rendre une ordonnance « à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés pour porter atteinte » à son droit (article 8). La Cour qualifie d’intermédiaire « toute personne qui transmet dans un réseau une contrefaçon commise par un tiers » (§30), ce qui recouvre logiquement un FAI (§32).

En second lieu, afin de répondre aux questions principales évoquées plus haut, la Cour met en balance les différents droits fondamentaux en jeu : la liberté d’entreprise, le droit de propriété intellectuelle, et la liberté d’information des utilisateurs d’internet (§47). La Cour estime donc tout d’abord que si une injonction visant au blocage d’un site, sans toutefois prescrire de mesure particulière, restreint la liberté d’entreprise du FAI (§50), elle « n’apparaît pas porter atteinte à la substance même » de cette liberté (§51).

Cependant, la Cour n’exige pas pour autant l’efficacité totale des mesures. L’équilibre entre liberté d’entreprise et protection des droits de propriété intellectuelle justifie alors que les mesures puissent ne pas aboutir « à un arrêt total des atteintes portées » aux droits (§58), puisque le destinataire d’une injonction de blocage est seulement tenu d’adopter des mesures « raisonnables » (§59). Ainsi, les mesures doivent être « suffisamment efficaces pour assurer une protection effective » des droits de propriété intellectuelle, c’est-à-dire « rendre difficilement réalisable » et « décourager sérieusement » les utilisateurs de consulter les contenus illicites (§62).

La liberté d’information des utilisateurs d’internet commande enfin que ces mesures ne doivent pas être excessives : elles ne doivent pas interdire, ni même rendre difficile, l’accès aux contenus licites (§64).

L’on peut relever que les motifs de la décision comportent des considérations intéressantes. En effet, la Cour affirme que les mesures sont « susceptibles de représenter pour [le fournisseur d’accès] un coût important » (§50), mais qu’il est possible de lui laisser la libre appréciation des mesures « les mieux adaptées » à mettre en place, selon les « ressources » et « capacités dont il dispose » (§52, §53). A suivre le raisonnement de la Cour, le fournisseur d’accès qui se voit imposer des mesures de blocage par injonction pourrait être conduit à en supporter le coût.

La décision ne manquera pas d’être invoquée dans le contentieux « Allostreaming ». Le Tribunal de Grande Instance de Paris a en effet jugé, en ordonnant le blocage le 28 novembre 2013, que les ayants droit devaient supporter le coût des mesures imposées aux FAI à leur demande [Voir Netcom février 2014].

L’actualité des mesures de blocage est donc particulièrement fournie, puisque l’Hadopi a émis début avril un avis de marché pour la réalisation d’une étude portant sur « les répercussions des décisions de justice (telles que le blocage ou la fermeture de plateformes) sur les usages des internautes ». Par ailleurs, une assignation a été délivrée en février par la Société Civile des Producteurs de Phonogrammes au principaux FAI, afin d’obtenir le blocage du site « The Pirate Bay ».

Loïc FOUQUET

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Confirmation en appel du statut d’éditeur d’un site de vente aux enchères et de parking de noms de domaine

  

 

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