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La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt marquant le 28 février 2024 (n° 22-10314) en matière de déséquilibre significatif.

Cet arrêt est relatif à la franchise, mais sa portée est plus large et les solutions rendues ont vocation à être généralisées. En témoigne sa publication au Bulletin.

La Cour de cassation apporte ainsi des précisions utiles quant à la rédaction des clauses d’intuitu personae, l’imputabilités des pratiques déséquilibrées et aussi la prescription et la recevabilité de l’action du ministre.

  1. Quant à l’appréciation du déséquilibre significatif dans la clause intuitu personae

Concernant l’appréciation du déséquilibre significatif, la Cour de cassation a validé l’analyse de la Cour d’appel (CA Paris, 5 janvier 2022, n° 20/00737), confirmant l’absence de marge de négociation et le caractère déséquilibré de la clause d’intuitu personae.

Cette clause était formulée au seul bénéfice du franchiseur en des termes trop larges.

En effet, la clause en question (i) impose au franchisé d’informer le franchiseur de tout projet « ayant une incidence » sur la répartition du capital ou l’identité de ses dirigeants et (ii) accorde au franchiseur le droit de mettre fin au contrat de franchise.

  • Quant à l’imputabilité des pratiques déséquilibrées en cas de cession-acquisition

L’arrêt porte également sur la question de l’imputabilité des pratiques en cas de transmission du réseau de franchise à un cessionnaire qui acquiert le contrôle du franchiseur.

La Cour de cassation a approuvé la condamnation solidaire de l’acquéreur des titres du franchiseur (Pizza Sprint), en mettant en avant le fait que cet acquéreur – Domino’s Pizza – n’avait pas interrompu les pratiques contestées, ce qui équivaut à une participation active à ces pratiques.

En pratique, le constat que l’acquéreur n’a pas mis fin aux pratiques litigieuses pourrait justifier sa condamnation solidaire au paiement de l’amende.

Dans le cadre d’opération d’acquisition, cela rappelle l’importance cruciale d’une due diligence attentive et rigoureuse, mettant en lumière les situations de déséquilibre significatif dans les contrats de la cible (ici le franchiseur) et formulant des recommandations claires à l’acquéreur allant dans le sens d’une modification immédiate post closing des clauses problématiques.

  • Quant à la prescription et la recevabilité de l’action du ministre

La Cour de cassation a considéré dans un premier temps qu’en matière de pratiques restrictives, la prescription de l’action du ministre est régie par le droit commun de la prescription civile, (l’article 2224 du code civil).

Elle a retenu en effet que l’action du ministre est d’une nature civile malgré son caractère autonome.

Il s’ensuit que cette action a pour point de départ le jour où le ministre de l’économie (i.e. la DGCCRF) « a connu ou aurait dû connaître les faits qui, caractérisant une pratique restrictive, lui permettent d’exercer » son droit d’agir.

Concrètement, le point de départ du délai de prescription correspond à la date des premiers actes d’enquête diligentés par la DGCCRF. L’action est donc, de fait, presque imprescriptible, et l’autorité administrative pourrait introduire une action devant les juridictions alors même que l’action ouverte au bénéfice de la victime directe serait prescrite.

La Cour a retenu dans un second temps que la conclusion d’une transaction entre des partenaires économiques n’a pas pour effet de priver le ministre des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 442-4 du code de commerce.

L’action du ministre étant autonome, l’aptitude de la victime du déséquilibre significatif à intenter une action ou la résolution préalable du différend entre les partenaires concernés sont logiquement sans incidence sur son exercice.

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