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Cass. Soc. 17 mai 2017, 14-29610

La protection de six mois, accordée au salarié devant être réintégré dans l’entreprise à la suite de l’annulation d’une autorisation de licenciement, ne commence à courir que lorsque l’employeur lui a proposé, au titre de son obligation de réintégration, un emploi équivalent.

Savoir computer les délais est une qualité essentielle en matière de salarié protégé. C’est le sens de la décision qu’a rendu la Cour de cassation le 17 mai 2017, dont les dates des faits s’entremêlent de façon vertigineuse.

Ainsi, une salariée fut élue déléguée du personnel (DP) en juin 2002. Son mandat fut renouvelé en juin 2003. Le 15 mai 2007, cette salariée fit l’objet d’un (premier) licenciement pour motif économique après que l’inspection du travail eut autorisé la rupture de son contrat de travail. En octobre 2007, de nouvelles élections des DP furent organisées au sein de l’entreprise. Le 13 novembre 2007, le ministre du travail annula l’autorisation de licenciement de la salariée. Cette dernière réclama alors sa réintégration le 19 suivant. Son employeur lui proposa de la réintégrer dans deux emplois ; la première offre eut lieu le 3 décembre 2007, la seconde, le 14 mai 2008 ; la salariée refusa les deux. En raison de ces refus, l’employeur la convoqua à un entretien préalable le 26 mai 2008 et la licencia (une seconde fois) le 5 juin suivant sans avoir cette fois préalablement sollicité l’autorisation de l’administration.

En mai 2008, cette salariée était-elle toujours protégée ? L’employeur aurait-il dû diligenter une procédure de licenciement via l’inspection du travail ? Telles étaient les questions que devait trancher la Cour de cassation.

Pour rappel, lorsque le ministre du travail annule une décision d’autorisation de licenciement rendue par l’inspection du travail, le salarié concerné peut demander, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision ministérielle, à être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent (art. L2422-1 c. trav.).

Par ailleurs, le salarié réintégré dans ces conditions récupère également son mandat d’élu et donc sa protection. Mais, si entre temps, son mandat est arrivé à terme (parce que l’institution a été renouvelée), il bénéficie d’une protection contre le licenciement (nécessitant la saisine de l’inspection du travail) pendant six mois à compter du jour où il retrouve sa place dans l’entreprise (art. L2422-2 c. trav.).

Aussi, dans le cas tranché dans l’arrêt ici commenté, la salariée était-elle toujours protégée lorsque son employeur diligenta une nouvelle procédure de licenciement à son encontre le 26 mai 2008 ?

La salariée avait réclamé sa réintégration le 19 novembre 2007. Depuis son éviction de l’entreprise, de nouvelles élections des DP avaient été organisées ; la salariée avait donc perdu son mandat. D’après le code du travail, elle était donc protégée pendant six mois « à compter du jour où » elle avait retrouvé « sa place dans l’entreprise » (art. L2422-2 al. 2 c. trav.). Mais ayant refusé les deux offres de poste proposées par son employeur, cette salarié n’a jamais retrouvé sa place. Quid juris ?

Dans sa décision du 17 mai 2017, la haute juridiction décide que le « délai court, lorsque l’emploi n’existe plus ou n’est plus vacant, à compter du jour où l’employeur exécute son obligation de réintégration en proposant au salarié un emploi équivalent comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière ».

L’employeur ayant fait une proposition de réintégration à un poste le 3 décembre 2017 et à un autre le 14 mai 2008, le point de départ du délai de six mois pouvait varier de cinq mois. Or, la Cour de cassation a jugé que la première offre ayant été refusée « en décembre 2007 en raison de son éloignement », c’est avec l’offre du 14 mai 2008 « que l’employeur avait exécuté son obligation de réintégration ». Subséquemment, la salariée concernée, bien qu’ayant demandé sa réintégration en novembre 2007, était protégée pendant les six mois suivant l’offre du 14 mai 2008, soit jusqu’au 14 novembre 2008. Or, l’employeur l’ayant à nouveau licenciée le 5 juin 2008, cette fois sans solliciter l’autorisation de l’inspection du travail, la rupture du contrat de travail était nulle. La salariée pourra en conséquence solliciter une seconde réintégration dans l’entreprise.

De l’art de la computation des délais dans les procédures de licenciement concernant les salariés protégés…

A noter que dans ce même arrêt, la Cour de cassation juge également qu’un emploi éloigné géographiquement n’est pas un emploi équivalent.

Romain PIETRI

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