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Cass. Crim. 1er mars 2016, 14-86601

Le droit de grève est un droit fondamental reconnu à chaque salarié et protégé par la Constitution. A l’opposé de cette expression du droit des salariés, se situent des impératifs économiques que l’employeur doit de son côté tenter de préserver.

La question est donc de savoir de quels moyens dispose l’employeur afin d’assurer la continuité de l’activité de l’entreprise, sans pour autant contourner le droit de grève ?

Il Il est tout d’abord à noter qu’en dehors de rares exceptions (notamment dans le secteur public et celui des transports), la loi ne détermine pas les modalités d’exercice du droit de grève. Il s’agit donc d’un droit prétorien.

Les Tribunaux ont donc construit une jurisprudence édictant d’une part les règles à respecter par l’employeur en cas de grève ; notamment s’agissant du remplacement des salariés grévistes, mais aussi d’autre part, infligeant au besoin des sanctions pénales à ce dernier. Tel est l’apport de l’arrêt du 1er mars dernier.

Rappelons en premier lieu qu’il est interdit de faire appel à des travailleurs intérimaires pour procéder au remplacement de salariés grévistes (Code du travail, art. L 1251-10).

De même, de la décision d’embaucher un salarié sous contrat à durée déterminée (Code du travail, art. L 1242-6).

Le remplacement concomitant au conflit, direct ou en cascade, est donc totalement proscrit. Ainsi, si d’autres salariés (non-grévistes) de l’entreprise peuvent occuper provisoirement les postes des grévistes, ces salariés ne peuvent être remplacés dans leurs propres fonctions par des intérimaires ou salariés recrutés à cet effet.

L’interdiction de recourir aux travailleurs temporaires pour remplacer des salariés grévistes ne se limite pas à la seule conclusion de nouveaux contrats. En effet, elle s’étend également aux intérimaires déjà présents dans l’entreprise au moment du déclenchement de la grève. Ainsi, l’employeur ne peut confier le travail des grévistes aux travailleurs temporaires déjà en poste dans l’entreprise, en plus de leurs tâches habituelles (Cass. Soc. 2 mars 2011, 10-13634).

Il est également interdit d’avoir recours à une société sous-traitante qui ferait appel à des travailleurs temporaires pour remplacer les salariés grévistes, dans la mesure où un tel remplacement, même indirect serait considéré comme frauduleux.

Face à ces interdictions, l’employeur dispose-t-il réellement de moyens d’action ?

La réponse est oui.

– Tout d’abord, l’employeur peut recourir à la sous-traitance dès lors qu’il s’agit d’externaliser son matériel ou ses outils de production afin d’assurer la continuité de son activité par une entreprise tiers. Il a été ainsi jugé dans un conflit touchant le secteur des transports routiers, que la grève des chauffeurs n’interdisait pas à l’employeur d’user et de disposer de ses véhicules et de recourir à d’autres entreprises de transports (Cass. Soc. 15 février 1979, 76-14527) ;

– L’employeur peut également remplacer des grévistes par des bénévoles (Cass. Soc. 11 janvier 2000, 97-22025) ;

– Enfin, un salarié embauché en CDD a été régulièrement affecté et peut être affecté au poste d’un salarié gréviste, dès lors qu’il est possible de retracer i. l’antériorité du CDD et ii. que l’objet de celui-ci n’ait aucun rapport avec l’éventualité d’un remplacement en cas de grève (Cass. Soc. 17 juin 2003, 01-00332).

Tel est précisément le rappel édicté par la Haut Cour dans son arrêt du 1er mars dernier, qui a conduit celle-ci à prononcer des sanctions pénales très lourdes à l’encontre de La Poste, personne morale et à l’encontre de son Directeur d’établissement, auteur physique de l’infraction.

En l’espèce, en novembre 2007, la Poste recrute 22 intérimaires au sein de son site de Rueil-Malmaison (92) au motif d’un « accroissement d’activité lié à l’impossibilité de certains agents de se rendre sur place du fait de la grève des transports ». La Cour de cassation estime alors que l’employeur a sciemment contourné l’exercice du droit de grève en retenant les trois indices suivants :

1. L’absence d’antériorité des contrats précaires : La décision de recourir à l’intérim a été prise à réception du préavis de grève, et la date d’embauche correspond au 1er jour de grève ;
2. L’exacte correspondance entre le nombre d’intérimaires et le nombre de salariés grévistes ;
3. Enfin, les intérimaires ont été affectés aux tâches exercées par les salariés grévistes. Au demeurant, même s’il s’agissait en l’espèce que d’une affectation partielle, l’atteinte était suffisante pour les Hauts magistrats.

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Rappelons au demeurant les sanctions pénales encourues :

– A l’encontre de l’auteur physique de l’infraction : amende de 3 750 euros. La récidive est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 7 500 euros (article L 1254-5 du Code du travail).
– A l’encontre de la personne morale : le montant de l’amende est égal au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques (article 132-38 du Code pénal).

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En conclusion, la vigilance est donc de mise lorsque l’employeur souhaite mettre en place des actions afin d’assurer la continuité de son activité au cours d’une grève.

Bettina SCHMIDT

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