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Deux actualités récentes mettent en lumière la nécessité pour les entreprises d’être vigilantes lorsqu’elles envisagent une communication à destination des consommateurs, qu’il s’agisse d’une annonce de réduction de prix ou de la mise en avant de promotions.

Tandis que la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a sanctionné SHEIN pour manquements aux règles encadrant les annonces de réduction de prix, la Cour d’appel de Paris a condamné LIDL pour diffusion de campagnes promotionnelles télévisées reposant sur une disponibilité insuffisante des produits annoncés.

  1. Communication trompeuse sur les réductions de prix : amende administrative de 40 millions d’euros pour SHEIN

Dans un communiqué du 3 juillet 2025, la DGCCRF a annoncé la conclusion d’une procédure de transaction avec la société Infinite Style E-commerce Ltd (ISEL), responsable de la commercialisation des produits SHEIN en France, aboutissant avec l’accord de la Procureure de la République de Paris, à une amende administrative d’un montant de 40 millions d’euros.

Cette amende vient sanctionner l’absence de réalité des réductions de prix dont les consommateurs pouvaient bénéficier ainsi que la portée des engagements concernant les allégations environnementales, ces pratiques constituant des pratiques commerciales trompeuses au regard du Code de la consommation.

L’enquête menée entre les mois d’octobre 2022 et août 2023 par le Service National des Enquêtes (SNE), a en effet révélé que SHEIN contrevenait aux exigences de l’article L. 112-1-1 du Code de la consommation en vigueur depuis le 28 mai 2022, lequel impose que toute annonce de réduction de prix doit indiquer le prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l’application de la réduction de prix.

Ce prix correspond plus communément au « prix de référence », qui correspond au prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l’égard de tous les consommateurs, au cours des 30 derniers jours précédant l’application de la réduction de prix.

Un prix de référence peut par exemple être communiqué par un professionnel sous la forme d’un prix barré ou d’un pourcentage de réduction.

Les investigations du SNE ont mis en évidence les faits suivants :

  • 57 % des réductions affichées n’étaient associées à aucune baisse effective de prix ;
  • 19 % des réductions correspondaient à une réduction inférieure à celle affichée ;
  • 11 % étaient en réalité des augmentations de prix.

De telles annonces sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, en ce qu’ellesrenforcent, artificiellement, l’attractivité de l’offre de SHEIN.

Les professionnels doivent être en mesure, en cas de contrôle, de démontrer concrètement pour chaque article ayant fait l’objet d’une annonce de réduction de prix, la réalité du prix de référence effectivement pratiqué.

La mise en place d’un outil opérationnel permettant la traçabilité de ces prix, et la formation des équipes marketing est indispensable pour se prémunir de tout risque.

La DGCCRF rappelle dans son communiqué être « pleinement mobilisée pour assurer la véracité des réductions de prix des professionnels. »

Pour mémoire, l’annonce d’une réduction de prix non conforme à l’article L.112-1-1 du Code de la consommation, lorsqu’il constitue une pratique commerciale trompeuse, expose une personne morale à une sanction de deux ans d’emprisonnement et à une amende qui peut être portée de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit.

  1. Communication télévisée promotionnelle et absence de vérification de la disponibilité des produits : amende de 43 millions d’euros pour LIDL

Dans une décision rendue le 4 juillet 2025, la Cour d’appel de Paris a condamné LIDL au versement d’une amende d’un montant de 43 millions d’euros à INTERMARCHÉ, pour pratiques commerciales trompeuses et concurrence déloyale.

Le litige portait sur la diffusion de 374 spots publicitaires télévisés entre 2017 et 2023, présentant des produits en promotion, sans que LIDL n’en garantisse la disponibilité réelle dans l’ensemble de son réseau de distribution pendant la durée annoncée.

La Cour d’appel dans sa décision du 4 juillet 2025 a constaté l’existence d’une mention « Supermarchés concernés sur Lidl.fr » à la fin de chaque spot télévisé à l’écrit puis en voix « off » à partir de 2021.  Cependant, la Cour a considéré que cette mention ne figurait pas dans les publicités de façon suffisamment apparente dès lors qu’elle n’apparaissait sur l’écran que durant quelques secondes, en petits caractères et en bas à droite de l’écran. De cette manière, cette mention était susceptible de passer inaperçue pour les consommateurs, ou d’être mal comprise.

La Cour a également retenu l’élément intentionnel, considérant que LIDL avait conscience qu’elle ne garantissait pas la disponibilité des produits promus pour une durée suffisante, dans l’ensemble des magasins.

La Cour d’appel de Paris a enjoint à LIDL de s’abstenir de diffuser des publicités télévisées pour des produits présentant un prix, sans assurer leur disponibilité pendant une durée de 15 semaines dans l’ensemble de ses magasins, et a prononcé, une injonction de cessation sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée.

LIDL a annoncé se pourvoir en cassation. Cette affaire reste donc à suivre.

Cette condamnation intervient seulement un mois après une décision de la Cour de cassation ayant condamné LIDL pour pratique commerciale trompeuse et concurrence déloyale, dans un litige similaire l’opposant à CARREFOUR (Cass. Com, 4 juin 2025, n°23-23.419).

Dans la décision du 4 juillet 2025 comme celle du 4 juin 2025, les publicités ont été diffusées à la télévision, dans le secteur de la distribution. Cette précision est importante car l’article 8 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992 trouve alors à s’appliquer. Or, son article 8 pose un principe d’interdiction sur des chaînes de télévision, de la publicité portant sur des opérations limitées dans le temps ou concernant un stock limité de produits dans le secteur de la distribution.

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler dans son arrêt du 4 juin que le caractère occasionnel ou saisonnier d’une offre s’apprécie au regard de son déploiement sur le terrain et non par référence au contenu du message publicitaire susceptible de la promouvoir. 

Or, si un commerçant est libre de ne proposer une offre que dans certains de ses magasins, il faut, pour que cette offre échappe à la qualification d’« opération commerciale de promotion » et que tous les magasins qui vendent les produits aux conditions de l’offre (qu’ils figurent ou non sur la liste à laquelle renvoient les publicités télévisées), garantissent leur disponibilité pendant une durée suffisante. A défaut, la publicité télévisée d’une telle offre est interdite.

***

Les professionnels doivent anticiper les contrôles de la DGCCRF, mais avoir conscience que le risque peut également provenir des actions contentieuses engagées par des concurrents au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Les risques ne sont enfin pas uniquement financiers, mais également réputationnels.

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